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est très agréable, car la vérité la plus vulgaire prend, sous sa plume, un air ingénieux et piquant.

D’abord M. Proudhon n’est pas communiste, bien loin de là ; il ne laisse échapper aucune occasion de protester contre toute solidarité avec cette doctrine barbare. Dans le plus étendu de ses ouvrages, qui a pour titre : Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, il consacre un demi-volume à la réfutation en règle du communisme. Après avoir remarqué avec juste raison que toutes les utopies communistes, depuis l’Atlantide de Platon jusqu’à l’Icarie de M. Cabet, ne sont au fond qu’une seule et même rêverie, et que le mérite de l’invention y est nul, surtout pour les derniers venus, M. Proudhon établit qu’il y a dans la nature des choses qui sont naturellement communes et d’autres qui naturellement aussi deviennent propres, d’où il suit que la vie sociale consiste à jouir en commun de ce qui est commun et en particulier de ce qui est propre. Reste à distinguer ce qui est propre de ce qui est commun. Que l’on pousse l’usage en commun aussi loin que possible, rien de mieux, dit-il, et je suis tout-à-fait de son avis : la société doit à chacun de ses membres tout ce qu’elle peut lui donner sans nuire au droit d’autrui ; mais il y a une limite. Le communisme proprement dit est incompatible avec la famille, et la famille, je le dis à son honneur, est sacrée aux yeux de M. Proudhon ; le communisme est impossible sans une loi de répartition, car il faut bien répartir au moins le travail entre les membres de la communauté, et la communauté, dit encore M. Proudhon, périt par la répartition, car la division du travail entraîne celle des produits. Enfin, pour résumer dans un de ces mots énergiques qu’il affectionne son jugement sur le communisme, il l’appelle la religion de la misère ; il n’y a rien de plus fort à en dire.

Non-seulement M. Proudhon est ennemi du communisme dans sa forme la plus grossière et la plus générale, mais il repousse encore ce communisme mitigé, qui est la doctrine d’un bon nombre de nos républicains de la veille, et qui consiste à tout remettre dans les mains de l’état. La création des ateliers nationaux n’a pas de plus grand adversaire ; il s’indigne à l’idée de voir l’état se faire banquier, entrepreneur, commerçant ; il réclame à haute voix, pour le travail, non cette organisation mensongère qui le ruine, mais la liberté qui le vivifie. Bien qu’il se prononce en toute occasion contre l’économie politique moderne, il a du moins cela de commun avec elle, qu’il adopte pleinement son principe, la liberté du travail.

Ensuite M. Proudhon n’apprécie pas moins bien, selon moi, le véritable caractère de la révolution de février. Il reconnaît que cette révolution a été profondément illégale, c’est le mot dont il se sert, distinction fondamentale entre elle et celle de 1830, qui a été légale dans toute