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thé ; et ce qui le prouve, c’est qu’il se consomme, toute proportion gardée, encore plus de cette substance dans la Russie, qui a l’avantage de communiquer assez facilement par terre avec la Chine.

Qu’y a-t-il donc à faire en France pour propager l’usage de ces substances, au grand avantage des consommateurs et du fisc ? Deux choses qui tendent exactement à la même fin ; d’abord, ramener les droits dans des limites raisonnables, en les égalisant, puis augmenter les facilités du commerce, afin que l’aggravation des frais de transport ne vienne pas neutraliser l’effet de ces modérations du tarif. Nous sommes aujourd’hui si loin de la juste mesure, par rapport à toutes les denrées coloniales qu’il y a beaucoup à faire pour nous y ramener.


IX

Il y a deux partis à prendre : ou supprimer immédiatement, et d’une manière absolue, toute distinction entre les provenances coloniales et les provenances étrangères, ou se contenter de réduire graduellement les surtaxes, afin de ménager les transitions. Lequel de ces deux partis est le meilleur ?

Si nous nous trouvions en face d’une situation simple, comme celle où se trouvait l’Angleterre quand elle décréta la réduction des surtaxes, c’est-à-dire si nos colonies n’avaient affaire qu’aux producteurs étrangers, nous dirions que rien n’empêche d’opérer en ceci, comme en tout le reste, avec mesure et par réductions graduelles. Qu’importe, dirions-nous, que le bien se fasse un peu plus lentement, pourvu qu’il se tasse ? Ces lenteurs mêmes sont salutaires, si elles peuvent nous épargner les perturbations que toute innovation trop brusque entraîne. Mais nous nous trouvons, au contraire, en face d’une situation très complexe qui appelle, selon nous, une solution plus immédiate et plus tranchée. Pendant que l’on hésite, pendant que l’on diffère, le sucre de betterave marche à grands pas vers l’envahissement total du marché français. Ce n’est pas seulement le présent qui souffre, l’avenir même est menacé, s’il n’est déjà, dans une certaine mesure, compromis. Il y a donc ici une puissante raison pour se hâter. D’un autre côté, cette concurrence même du sucre de betterave, qui s’attaque au principal produit de nos colonies, ne les a-t-elle pas déjà suffisamment préparées au régime nouveau qu’il s’agirait d’inaugurer ? Dans leur situation actuelle, nos colonies supportent les inconvéniens de la concurrence sans jouir des avantages de la liberté. Leur émancipation commerciale devant être une conséquence naturelle et nécessaire de la suppression de leur monopole, elles auraient certainement plus à gagner qu’à perdre au changement. Nul danger d’ailleurs qu’elles soient embarrassées du placement de leurs sucres dans un temps où l’Angleterre et la France