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la considérait comme formant avec la marine militaire un seul et même corps, et ne concevait de véritable force pour celle-ci que dans le développement de la première. C’était aussi la pensée de Colbert. Elle est depuis long-temps mise en oubli parmi nous. Les ministres de la marine, semblent depuis cinquante ans s’être piqués de ne ressembler ni à Duquesne, ni à Colbert, et ils y ont réussi. L’on a prétendu fortifier nos armées navales en dehors et souvent aux dépens de la marine du commerce : l’exagération des dépenses et la mesquinerie des résultats obtenus ont été les conséquences de ce système, et, tant que nous y persisterons, nous ne recueillerons pas d’autres fruits.

Ce serait ici le lieu de montrer l’importance que la pêche a conservée à Dieppe, lorsque le commerce y déclinait ; mais tous les ports de la côte sont, par la nature des choses, associés dans l’exploitation de cette grande industrie, et, pour en apprécier les ressources et les besoins, il sera préférable de la considérer dans son ensemble.

La route de Dieppe au Hâvre touche presque la mer à Veules. Ce petit lieu a eu le même sort qu’Ault : on y comptait, en 1664, dix-huit barques pour la pêche du hareng et douze pour la petite pèche[1] ; la mer a fait disparaître l’abri en sapant les falaises dans lesquelles il était encadré, et en 1782 les pêcheurs ainsi dépossédés peuplaient à Dieppe un quartier appelé le Petit-Veules[2].

La vallée de Saint-Valery en Caux a deux encâblures au plus de largeur ; la ville et le port en occupent le fond. Le ressac des lames qui battent la falaise à la haute mer et les courans alternatifs des marées disposent les galets qui viennent de l’ouest en un bourrelet circulaire devant l’entrée du chenal ; cette espèce de ligne de blocus aurait dès long-temps fermé le port, sans une écluse de chasse qui paraît être la plus ancienne de cette côte, car elle était déjà vieille en 1640 ; elle est alimentée par une retenue insuffisante située en arrière du bourg, et, lorsque les vents de sud-ouest soufflent avec une certaine violence, la barre de galets s’élève tellement qu’il devient nécessaire d’y frayer un passage à bras d’hommes. Malgré ces désavantages, Saint-Valery avait possédé, avant l’inspection du chevalier de Clerville, 40 navires de 100 à 200 tonneaux pour le cabotage, et 18 pour la pêche de la morue. Aujourd’hui réduit à un effectif total de 3,057 tonneaux, son matériel naval se ressent de cette décadence de la navigation dans les ports des falaises, dont l’agrandissement du Hâvre est la compensation. Le commerce de Saint-Valery est peu de chose, et c’est surtout par les intérêts de la pêche que sont justifiés les travaux considérables qui s’exécutent pour l’amélioration de l’attérage.

  1. Rapport du chevalier de Clerville.
  2. Lamblardie, Mémoire sur les côtes de la Haute-Normandie.