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des flottilles de navires : ce sont des carrières de chaux, exploitées avec des machines à vapeur et des chemins de fer, et ces bâtimens viennent chercher des amendemens pour les terres de la Grande-Bretagne. Chez nous, les besoins sont plus grands, les ressources plus vastes, et le mouvement est nul. Au sud-est des falaises, le sol du département de la Manche et de la presqu’île de Bretagne est presque exclusivement granitique ; l’introduction de l’élément calcaire dans la culture y serait la première condition de la fertilisation des terres, et de cette même région part la moitié des caboteurs qui se dirigent vers les falaises, et dont les deux tiers en repartent à vide. Ces rapprochemens suffisent pour faire prévoir quelle vie nouvelle animera nos ports de la Manche, quand notre agriculture sera conduite avec la même intelligence et pourvue des mêmes capitaux que celle de nos voisins.

Le système d’approvisionnement qui prévaut aujourd’hui de l’autre côté du détroit ouvre un débouché presque illimité aux denrées de la côte de Normandie. En consentant à placer en dehors de son territoire les bases d’une notable partie de son alimentation, le peuple anglais a fait ce qui pouvait s’imaginer de plus favorable à nos ports de la Manche, et d’un autre côté, dans un pays où la pêche occupe beaucoup plus de matelots que le transport des marchandises, le bon marché des subsistances, du chanvre et des bois est, après l’abondance du poisson, la base essentielle du développement de la navigation. La connexion qui règne partout entre l’intérêt maritime et l’intérêt agricole est donc ici plus étroite qu’ailleurs.

J.-J. Baude.