Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LES


ATELIERS NATIONAUX.




L’Europe est aujourd’hui gouvernée par l’imprévu, et bien fou celui qui prétendrait lire dans l’avenir ; mais, si les événemens sont impénétrables, les tendances sont manifestes, et, quand l’arbre est en fleurs, il n’est pas nécessaire d’être un grand astrologue pour prédire quels fruits il portera. A observer ce qui se passe à Paris et dans nos principales villes manufacturières, nous emploierons les années 1848 et 1849 à mettre en lumière, à nos dépens, l’impuissance et la fausseté des systèmes économiques que voudraient naturaliser de force parmi nous des cerveaux frappés par le soleil de février. L’alchimie socialiste fît elle, en cherchant une autre pierre philosophale, les découvertes les plus inattendues, nous sortirons de ses creusets affaiblis, ruinés, ridiculement distancés par nos rivaux dans la carrière de l’industrie. Cependant, puisque le calice ne saurait être détourné de nos lèvres, avalons-le le plus vite possible, et tâchons au moins que le spectacle instructif que nous donnons aux étrangers ne soit pas perdu pour nous. Nous y payons les places assez cher pour nous permettre cette prétention.

Dans la série des épreuves que nous avons à subir, les ateliers nationaux ne sont pas celle dont le souvenir sera le moins utile à conserver. Ce n’est pas que l’invention soit nouvelle. A toutes les époques, lorsqu’une calamité subite a frappé des populations, l’administration s’est appliquée à mettre à leur portée des travaux accessibles aux bras les moins exercés, et si, dans de pareilles circonstances, elle cherchait plutôt à soulager des souffrances qu’à réaliser d’utiles entreprises, du moins le recours à ces remèdes ruineux était essentiellement temporaire.