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leurs camarades, sur les ateliers et les établissemens interdits, et particulièrement sur les ouvriers étrangers ;

La reconstitution des caisses d’épargne. si malencontreusement détruites par le décret du 9 mars, et des autres établissemens de prévoyance et de secours, tous plus ou moins gravement ébranlés par la marche de l’administration des finances ;

Le rétablissement dans le code pénal de l’ancien article 44, qui, au lieu d’interdire au forçat libéré la résidence d’un lieu déterminé et de le laisser libre de parcourir le reste de la France, permettait de l’obliger à une résidence fixe et prévenait l’affluence des condamnés à Paris ;

La colonisation de l’Algérie, qui, dès qu’on dotera ce beau pays d’un véritable gouvernement, s’effectuera presque d’elle-même ;

Telles sont les premières mesures générales à prendre pour désobstruer les ateliers nationaux.

Les améliorations à introduire dans l’éducation populaire, dans l’économie publique du pays et dans son régime financier, exigent de plus longues méditations. Faisons d’abord les réformes les plus simples ; elles nous donneront le temps d’examiner la portée de l’engagement de garantir le travail à tous les citoyens, pris le 25 février par le gouvernement provisoire, qui peut-être n’attachait pas à cette promesse si mal tenue et si malheureusement commentée par les faits, plus d’importance qu’à sa déclaration du 7 mars, de n’exiger des citoyens aucun sacrifice extraordinaire, si promptement suivie du décret de l’impôt des 45 centimes et de celui des créances hypothécaires. Nous reconnaîtrons peut-être alors qu’indépendamment de l’impossibilité de la tenir partout, et de l’injustice de l’appliquer partiellement, la garantie du travail ne serait autre chose qu’une prime à l’incurie, à l’imprévoyance et une dégradation de la dignité de l’ouvrier. Les gouvernemens ne doivent aux individus que la protection et la liberté du travail : tout le reste est chimère, ruine et déception.

Post-scriptum. — Ces pages étaient écrites lorsque les événemens du 23 juin ont éclaté. L’auteur, qui les a suivis pendant cent vingt longues heures dans les rangs de la garde nationale, était loin d’en prévoir toute l’horreur, et, tout en se croyant à peu près au fait des plaies cachées de ce Paris, la tête et l’amour du monde civilisé, il n’imaginait pas que ses flancs recelassent des bandes de bêtes féroces, professant comme une religion le pillage, le viol et l’incendie. Ah ! sans doute, un pareil état de choses appelle les méditations du philosophe, de l’homme d’état, du chrétien : malheur à qui sortirait d’un pareil spectacle sans autres sentimens que ceux de la vengeance ! mais honte et mépris à qui, cherchant une basse popularité, fléchirait devant la gravité de ses devoirs, et laisserait, après cette leçon, Home exposée à redevenir la proie des hordes d’Attila !


J.-J. BAUDE.