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contre les Turcs. Les états s’engagèrent à payer une contribution de 4 florin par porta[1] ; mais, sous le successeur de Mathias Corvin, Ladislas, à la diète de 1495, cette contribution et les autres nouveautés que le fils de Jean Huniade avait introduites furent signalées à l’animadversion publique ; le roi fut sommé d’avoir à les rétracter. L’irritation devint menaçante ; peu s’en fallut qu’on n’en vînt aux armes. Les magnats consentaient à accorder la contribution proposée par le roi ; la petite noblesse s’y refusait obstinément ; la résistance prévalut. On voit quels efforts étaient déjà tentés, à cette époque, par les rois, pour amener la noblesse à payer les impôts ; les rois se trompaient de quelques siècles, et devaient attendre jusqu’à nos jours pour que la noblesse, renonçant d’elle-même à son privilège le plus cher, acceptât généreusement sa part dans les charges publiques.

Il faut citer encore, parmi les décrets de Ladislas, les dispositions singulières prises pour la tenue des diètes[2] : « La noblesse pauvre, est-il dit dans un de ces décrets, se plaint amèrement de la lenteur des délibérations. Les prélats, les barons, les conseillers de sa majesté, perdent des journées entières dans de longs discours, et se séparent sans qu’on ait pris aucune décision. L’ennui, la dépense, obligent la pauvre noblesse à se retirer et à revenir chez elle sans avoir rien fait ; le remède à ce mal est de s’occuper d’abord des propositions indiquées dans le message royal, de les examiner avec modération, gravité et en silence. Enfin, et ceci est remarquable, s’il survient quelque différend parmi les députés, le maître du palais, magister janitorum, fera faire silence, et recueillera le vote de chacun, afin que les députés, d’après l’avis de la portion la plus éclairée, soient ramenés à la concorde et à l’unanimité. » On retrouve ici l’application d’un principe des anciens publicistes hongrois, savoir, que les votes ne doivent pas être comptés, mais pesés.

Nous touchons à la grande catastrophe de l’histoire de Hongrie. La bataille de Mohacz et l’invasion des Turcs sont encore, après trois siècles, un sujet de douleur et d’humiliation pour les patriotes hongrois. Les conséquences de ce désastre furent immenses et subsistent aujourd’hui même. C’est à Mohacz que se termine la vie nationale et indépendante de la Hongrie. Une partie du royaume est subjuguée par les Turcs,

  1. On appelle Porta, du nom des portes par lesquelles un char pouvait entrer, la portion contributive de chaque noble dans le don royal. La régularisation de ces portes, qui constitue un véritable recensement des propriétés, a toujours rencontré les plus grandes difficultés ; on n’est guère arrivé à quelque exactitude que dans ces dernières années. En 1830, la diète a fixé le nombre des portes à 6,346 ; pour chaque porte, on compte quatre paysans avec quatre ou six attelages, ou huit paysans avec deux attelages, ou seize paysans sans attelage. Voyez Blaskowitz, Status politico-juridiques, p. 22.
  2. Voyez 1495, Decretum 2, art. 25.