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Jusqu’à ces derniers temps, les lois hongroises avaient été rédigées et imprimées en langue latine. C’était en latin que les discussions avaient lieu. Après la diète de 1825, la traduction hongroise fut insérée à côté du texte latin. Enfin, depuis 1840, le latin a disparu, et le texte hongrois figure seul désormais dans le recueil officiel. Il est aisé de comprendre que, si l’ensemble de ces décrets, rangés chronologiquement depuis l’an 1000 jusqu’à l’année dernière, peut exciter l’admiration de l’historien, il doit faire le désespoir du jurisconsulte. Ces lois, rendues sous l’empire de circonstances ou de besoins qui n’existent plus, promulguées souvent au milieu des guerres civiles, sont plutôt le reflet curieux et animé de l’histoire de la nation hongroise qu’un code de décisions sages et uniformes. Il y a dans le Corpus juris hungarici une longue table des antinomies, des cas douteux (contrarietatum et dubietatum centuria), et cette table pourrait être facilement augmentée [1] ; aussi ce corps de droit a-t-il été, surtout dans ces derniers temps, l’objet des plus violentes attaques. Pendant que le parti de l’ancienne constitution, représentant de l’école historique, le maintenait avec opiniâtreté comme le palladium de ses libertés, comme une place d’armes contre les envahissement de l’Autriche, le parti philosophique et libéral le poursuivait de son anathème et de ses critiques. « Voyez, » me disait un député en me montrant ces deux énormes volumes in-folio, ornement obligé de tout cabinet hongrois, « voilà ce que l’on veut nous forcer d’admirer comme le monument de la raison humaine ; c’est un dédale où les vieux praticiens se perdent. On ne gouverne pas un peuple avec des in-folio ; il y a là des armes pour tous les systèmes : voulez-vous du despotisme ? en voici ; de la licence ? en voilà. Tout s’y rencontre ; c’est la vraie Babel des législations. En vertu de tel décret, de telle loi, le gouvernement m’ordonne ceci ou cela, et moi, en vertu de tel autre décret, de telle autre loi, je lui résiste et lui prouve qu’il est en flagrante usurpation contre mes libertés. Il a raison à cette page, et moi raison au verso. Pascal a dit : « Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ; » ici, la vérité et l’erreur ne sont séparées que par l’épaisseur d’une feuille de papier. »

Depuis l’avènement de la maison d’Autriche jusqu’au règne de Joseph II (1526-1780), les premiers rois de la maison d’Autriche qui se

  1. Au milieu des contradictions du code hongrois, c’est l’usage le plus souvent qui décide. Une formule qu’aujourd’hui encore on conserve dans toutes les mois, salvo jure consuetudinario, montre quelle place importante et vraiment exceptionnelle est attribuée à l’usage parmi les sources du droit hongrois.