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peut-être dans une république si médiocre par la population, et qui s’étendait sur la vie publique et privée de tous les citoyens.

Je résumerai en quelques mots le système de Solon, et, pour plus de clarté, en me servant des expressions de notre langue politique.

La souveraineté appartient à l’assemblée du peuple.

Le pouvoir exécutif est confié à neuf magistrats élus pour un an, assistés d’un conseil d’état électif, sous la surveillance d’un sénat à vie et inamovible.

Tous les citoyens prennent part aux élections, mais les plus imposés sont seuls éligibles.

La constitution de Solon fut promulguée vers 590 avant Jésus-Christ ; celle de Servius Tullius à Rome date de 570 à peu près. On remarque, au premier abord, une certaine analogie entre les deux constitutions, et il n’est pas invraisemblable que celle d’Athènes n’ait été le prototype de celle de Rome. Un examen plus attentif fera voir combien l’élément démocratique est puissant dans la première, et combien il est paralysé dans la seconde. Dans Athènes, les votes du peuple se comptaient par tête ; à Rome, je parle des premiers temps de la république, les suffrages étaient recueillis par centuries, chaque centurie ayant son vote collectif. Or, le peuple était divisé par centuries, d’une manière arbitraire et sans égard au nombre de têtes, de telle sorte que les classes riches, qui n’avaient qu’un petit nombre de suffrages individuels, formaient en réalité la majorité des centuries. À Rome, la classe des prolétaires ne composait qu’une seule centurie sur cent quatre-vingt-treize, et n’avait pas la plus légère influence dans les élections ; à Athènes, au contraire, la quatrième classe, étant de fait supérieure en nombre aux trois autres, dictait les décisions de toutes les affaires.

C’était, chez les anciens, une question fort débattue, de savoir si la constitution de Solon était démocratique ou aristocratique : on sent que la valeur de ces mots change singulièrement selon l’époque ou le pays où ils sont prononcés ; mais nous ne parlons que des Grecs, et M. Grote remarque que les Athéniens, parvenus au développement le plus complet de la démocratie, regardaient Solon comme le fondateur du gouvernement populaire. On affecta même de mettre sous la protection de sa grande renommée plusieurs institutions fort postérieures qui changèrent matériellement son système politique, sous prétexte d’en tirer toutes les conséquences. M. Grote s’est appliqué avec beaucoup de sagacité à défalquer de la constitution solonienne ce qui doit revenir à d’autres réformateurs moins illustres. Suivons-le dans ses intéressantes recherches.

Peu après que Solon se fut retiré des affaires, Pisistrate s’empara du pouvoir et devint tyran ou despote d’Athènes. Deux fois chassé, il revint