Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/727

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Marseillaise d’Arndt : « Qu’est-ce que la patrie de l’Allemand ? L’Autriche est opulente et belle, mais ce n’est pas l’Autriche : c’est l’Allemagne entière. » Maintenant que les clubs, en s’ouvrant, fermaient les boutiques, et que la peur des barricades chassait les équipages des rues, les honnêtes Viennois ne ressentaient plus tant d’enthousiasme pour les héros de la légion académique, et le bonheur d’appartenir de si près à la patrie allemande leur devenait moins précieux. « Autrichiens, leur disait la voix d’une prudence tardive, vous allez vous perdre dans l’Allemagne, » et leur teutonisme s’usait presque aussi vite que le drapeau teuton qu’ils venaient de planter sur Saint-Étienne. Le gouvernement servait de son mieux cette résipiscence. Dans sa déclaration du 21 avril, M. de Pillersdorf annonçait, à la grande indignation des unitaires, que l’Autriche était décidée à réserver les intérêts particuliers et l’indépendance administrative de tous ceux de ses états qui relevaient de la fédération, qu’elle se réservait notamment d’approuver ou d’improuver tous les actes de l’assemblée fédérale qui la concerneraient. Avec ces dispositions, on ne pouvait guère en vouloir beaucoup aux Tchèches de ce qu’ils professaient une si énergique répugnance pour le nom allemand, lorsqu’ils continuaient cependant à se prévaloir du nom autrichien, lorsqu’ils se serraient à l’empire d’Autriche par antipathie pour l’empire germanique. A Vienne, on était obligé de montrer le docile César, un drapeau noir rouge et or à la main ; mais on n’était pas fâché que le comité national de Bohême accusât les Viennois d’avoir violenté la majesté impériale en l’affublant de ces couleurs étrangères. On se gardait bien aussi de relever le moral du cercle allemand de Prague, qui, sur les instances du nouveau burgrave, se laissait affilier au comité tchèche et renonçait par amour de la paix à porter la cocarde allemande. Les Tchèches n’entendaient admettre en Bohême que la couleur rouge et blanche ; ceux dont elle n’était pas la couleur nationale devaient tout de même l’accepter comme la couleur du sol qu’ils habitaient. L’Autriche ne se plaignait pas : c’était toujours autant de gagné sur cet étendard tricolore que les législateurs de Saint-Paul envoyaient partout comme un précurseur de conquêtes.

La question pratique, et qu’il fallait immédiatement vider, le point de fait entre l’Allemagne telle qu’elle s’organisait à Francfort, et la Bohême telle qu’elle se concentrait dans le parti tchèche de Prague, le litige enfin se trouva d’abord posé par M. Palazky. Les cinquante, restés en permanence à Saint-Paul depuis le Vorparlament pour préparer les voies au grand parlement d’Allemagne, les cinquante avaient politiquement invité le savant représentant de la nationalité tchèche à prendre sa part de leurs travaux. Palazky refusa dans une lettre détaillée qui fut tirée à plusieurs milliers d’exemplaires par les slavistes de Prague et par les fidèles Autrichiens, dont le noyau grossissait