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recrutement. Les autres dépenses pourraient être couvertes au moyen d’une taxe payable par toute personne qui louerait les services d’un immigrant. Cette taxe, calculée sur la valeur du travail que fait l’ouvrier dans l’année, et sur le prix de son introduction dans la colonie, pourrait être de 1 fr. 25 cent, par mois, ou 15 fr. par an. Si cette taxe n’était pas suffisante, ou si, dans l’application, elle rencontrait de trop grandes difficultés, on établirait un droit de timbre sur les contrats, et on aurait soin de favoriser les engagemens renouvelés en ne les frappant que d’un droit moitié moindre de celui des contrats nouveaux. Nous empruntons ces idées à une circulaire de lord Grey, où ce point de la question de l’immigration est traité d’une manière approfondie. Ces vues ne sont pas nouvelles ; elles étaient celles du ministère de la marine avant le 24 février. Nous ne faisons que les rappeler, persuadé que la mise en pratique du plan que nous indiquons peut seule prévenir la ruine complète de notre agriculture coloniale.

Il est un autre point de vue auquel il faut se placer pour embrasser l’ensemble des suites que doit avoir l’abolition de l’esclavage. Nous avons déjà dit que la prospérité de notre commerce maritime était intimement liée à celle de nos colonies. Nos possessions d’outre-mer ne peuvent perdre les élémens de leur richesse sans que nos ports n’en ressentent le contre-coup.

Les exportations de France pour les quatre colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, de 1840 à 1846, se sont élevées en moyenne à 56,377,000 fr., et les importations pendant la même période à 63,858,000 fr. ; soit pour la totalité du mouvement : 120,235,000 fr. La navigation à laquelle ces exportations et ces importations ont donné lieu pour les mêmes années est de 415 départs et de 357 retours ; pour le total des marchandises transportées, le fret a été de 191,325 tonneaux. Dans la valeur des importations des quatre colonies en France, les sucres figurent, année moyenne, pour une somme de 50 millions ; cette denrée compose donc près des huit dixièmes de la valeur des cargaisons de retour des bâtimens destinés au commerce colonial. Quant à l’emploi du tonnage, la proportion est au moins des neuf dixièmes, parce que le sucre est, parmi les produits coloniaux, celui qui représente la moindre valeur sous le volume le plus considérable.

La part proportionnelle de nos colonies dans la marine marchande mérite aussi d’être appréciée. En effet, le commerce de la France, par mer, a employé annuellement, en moyenne (de 1840 à 1846), savoir :

Entrées et sorties réunies :

Par navires étrangers, 2,030,050 tonneaux.
Par navires français, 1,289,918 -

Notre commerce avec les quatre colonies à sucre a absorbé à lui