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n’en grossissait pas assez vile, on promit un intérêt de 4 et demi, et l’on arriva bientôt jusqu’au 5 pour 100. Ces tergiversations étaient d’un effet déplorable dans le public, car elles avaient une signification évidente : c’était que l’emprunt, soutenu par le seul dévouement des citoyens, ne marchait pas, et cela était vrai ; mais ce qui était faux et ce que les mesures adoptées par l’état tendaient à faire supposer vrai, c’est que l’insuccès de la mesure de l’emprunt eût pour cause l’avarice des propriétaires ou des capitalistes lombards. L’emprunt portait en lui-même, dans sa propre conception, des germes de mort subite. J’essayai plusieurs fois d’en convaincre le gouvernement, mais sans réussir mieux que d’autres à faire prendre en considération mes conseils. Le fisc ne recevait pour l’emprunt que de l’argent comptant ou des valeurs effectives, telles que bijoux, argenterie, etc., à titre d’offrande. Quel est l’homme privé, quelque riche qu’il soit, qui garde dans son tiroir une somme assez considérable pour secourir un état aux abois ? Le commerce, effrayé de la révolution, de la guerre et des revers possibles, suspendit ses opérations, et les capitaux disparurent de la place, de sorte que les propriétaires du sol le plus riche de l’Europe se virent hors d’état de réaliser la valeur effective de leurs terres pour venir en aide au pays. La difficulté était d’autant plus grande, que l’emprunt avait été ouvert au commencement de l’été, et que les fermiers lombards paient leurs loyers en trois termes, en août, en novembre et en décembre. En juin et en juillet, toutes les caisses étaient à peu près vides. On pouvait offrir 2,000, 5,000, 10,000 francs au trésor, mais il y avait presque honte à offrir si peu, et il était impossible d’offrir davantage.

Quant à la souscription volontaire, ce fut là que les petites sommes furent versées, et elles formèrent un total de près de 4 millions de livres. C’était beaucoup, parce que ces 4 millions sortaient de la bourse du pauvre et représentaient de nombreux sacrifices accomplis par un sentiment patriotique ; mais ce n’était presque rien relativement aux besoins de l’état. Pourquoi le gouvernement ne contractait-il pas un emprunt avec quelque forte maison de banque génoise, française, anglaise ou américaine, en lui offrant pour garantie hypothécaire le territoire lombard, dont les plus riches propriétaires étaient disposés à engager une partie considérable ? S’étant refusé à recourir à ce moyen, le trésor ne prolongea son existence qu’à force d’expédiens. Il exigea d’avance quatre termes de l’impôt foncier, il créa un impôt sur les capitaux empruntés, et il fit peser cet impôt sur le débiteur et non sur le créancier. Cet impôt était ruineux surtout pour le commerce, qui se fonde principalement sur la faculté que lui assure le crédit de faire valoir les capitaux d’autrui. Or, les négocians, les propriétaires, qui, ne pouvant suffire à leurs besoins par leurs seules