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de Champollion, ou que j’ai eu occasion de vérifier sur des centaines d’exemples, nous suffira pour arriver, avec aussi peu de chances d’erreur que possible, à des conséquences qui présenteront, ce me semble, quelque intérêt historique et une certaine nouveauté.

D’abord je me demanderai : Y avait-il en Égypte une caste sacerdotale et une caste militaire ? Les monumens nous prouveront : 1° que les fonctions sacerdotales et les fonctions militaires n’étaient point exclusives, mais étaient associées les unes avec les autres, et chacune d’elles avec des fonctions civiles, le même personnage pouvant porter un titre sacerdotal, un titre militaire et un titre civil ;

2° Qu’un personnage revêtu d’une dignité militaire pouvait s’unir à la fille d’un personnage investi d’une dignité sacerdotale ;

3° Enfin, que les membres d’une même famille, soit le père et les fils, soit les fils d’un même père, pouvaient, les uns, remplir des fonctions et revêtir des dignités sacerdotales, les autres des fonctions et des dignités militaires, d’autres, enfin, des fonctions et des dignités civiles. Quand j’aurai établi que les mêmes individus ou des membres de la même famille pouvaient exercer des professions attribuées à des castes différentes, que ces professions ne passaient pas nécessairement des pères aux enfans, je le demande, que restera-t-il des castes égyptiennes et de l’hérédité universelle des professions ?

Or, lorsqu’on étudie les monumens, et principalement les stèles funéraires, si nombreuses dans les musées et dont une quantité notable a été publiée, il n’est pas rare de trouver réunis sur les mêmes stèles des titres sacerdotaux et des titres militaires. Je citerai, entre beaucoup d’autres, le sarcophage, conservé au musée britannique, d’un prêtre de la déesse Athor, lequel était commandant d’infanterie.

Si les fonctions sacerdotales n’excluent point les fonctions militaires, elles se concilient encore mieux avec les fonctions civiles. Une association de ce genre se trouve dans un de ces curieux hypogées d’El-Tell dont les parois sont couvertes de représentations figurées si étranges, où l’on voit ces rois à poitrine de femme qui adorent une image du soleil dont les rayons sont terminés par des mains. Ceci ne date guère que de 1800 ans avant l’ère chrétienne, et c’est pour l’Égypte une médiocre antiquité ; mais j’ai trouvé la même association entre des fonctions religieuses et des fonctions administratives dans un de ces tombeaux contemporains des pyramides, et qui étaient déjà extrêmement anciens à l’époque dont je parlais tout à l’heure.

Ces faits témoignent contre l’existence de fonctions spéciales attribuées à une classe d’hommes dans le régime des castes.

Qu’est-ce qu’une caste sacerdotale dont les membres, en même temps qu’ils sont prêtres, sont généraux, ou intendans de province, ou juges ou architectes ?