Nous pourrions multiplier les citations ; nous nous bornerons à en faire encore deux. Dans le rapport du 9 mars, ce manifeste où M. Garnier-Pagès commence à sonner l’alarme, et où il annonce la suspension des paiemens du trésor vis-à-vis des créanciers des caisses d’épargne, on lit ces mots en toutes lettres : « Le service des bons du trésor est assuré. » Enfin, dans un décret relatif à un emprunt national de 100 millions, décret inséré au Moniteur du 10, un article (l’article 5) est ainsi conçu : « Quand bien même la rente 5 pour 100 dépasserait le pair dans le mois qui suivra la promulgation du présent décret, les titres de l’emprunt national seront délivrés au pair. »
Ainsi, le fait est hors de doute ; pendant la première quinzaine qui a suivi la révolution, on ne songeait ni à crier misère, ni à gémir sur les finances du gouvernement déchu. La sécurité semblait complète : on payait tout à bureau ouvert, même l’emprunt grec ; on anticipait de quinze jours le paiement du semestre des rentes ; on exprimait tout haut l’espoir qu’avant un mois le 5 pour 100 aurait dépassé le pair.
D’où venait cette confiance ? Était-elle réelle ? était-elle simulée ? Nous avons deux raisons de croire qu’elle était parfaitement sincère.
D’abord, dans ces premiers jours, toute illusion n’était pas perdue ; certains membres du pouvoir s’imaginaient peut-être, comme une partie du public, que le torrent rentrerait dans ses digues. La victoire avait été si facile ! l’ordre apparent, l’ordre des rues, s’était si promptement rétabli ! on s’était soumis partout de si bonne grâce ! on courbait si bas la tête ! Il est vrai qu’on lisait déjà sur nos murailles le décret du droit au travail ; mais tout le monde n’en comprenait pas le sens : le Luxembourg n’en avait pas encore donné le commentaire, et la lugubre promenade du 17 mars n’avait pas appris à la société consternée par quelles formidables luttes elle serait condamnée à racheter son salut.
En second lieu, les financiers de la république, aussi bien M. Garnier-Pagès que M. Goudchaux, avaient trouvé dans les coffres de l’état un motif tout spécial de calme et de sécurité.
En effet, ce gouvernement obéré, dont, huit jours auparavant, l’opposition proclamait la détresse, ce gouvernement sans précaution, sans prévoyance, avait, depuis deux mois, amassé soigneusement une importante réserve. 135 millions en espèces, 55 millions en portefeuille, le tout formant un fonds disponible de 190 millions, non compris les rentrées journalières de l’impôt, voilà ce que les vainqueurs trouvaient pour leur bienvenue. La surprise était agréable ; il est tout naturel que leur langage et leurs actes s’en soient d’abord ressentis.
Plus tard, quand on eut recueilli les orages qu’on avait semés, quand il fallut des excuses à la détresse, des prétextes aux nouveaux impôts, on eut grand soin d’oublier la trouvaille du premier jour. On