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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/1000

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Voici d’abord la définition des économistes, nous l’empruntons à J.-B. Say : « La valeur produite est le produit brut ; cette valeur, après qu’on en a déduit les frais de production, est le produit net. » Or, suivant que l’on veut parler du produit total d’une nation ou du produit d’un individu, J.-B. Say attache un sens différent à cette distinction. « A considérer une nation en masse, dit-il, elle n’a point de produit net ; car les produits n’ayant qu’une valeur égale aux frais de production, lorsqu’on retranche ces frais, on retranche toute la valeur des produits. La production nationale, la production annuelle, doivent donc toujours s’entendre de la production brute. » Cela se comprend bien : à prendre une nation en bloc, comme une individualité, ses produits ne s’estiment que par leur valeur utile ; ils valent pour elle ce qu’ils lui ont coûté, c’est-à-dire que leur valeur est mesurée par la somme des besoins qu’il a fallu satisfaire pour les produire. Cependant faisons ici une observation qui doit éclaircir la suite de ce débat : n’oublions pas qu’à côté du produit national annuel, il y a le capital national, la richesse permanente du pays ; n’oublions pas que, si le produit national ne coûte que les frais qu’il a consommés, en lui-même il a une valeur plus grande que ces frais, car il augmente chaque année la richesse nationale, il accroît la force de production du pays, il tend d’année en année à diminuer les frais de cette production. Ainsi, je suppose que dans la production de la France, cette année, cent millions aient été dépensés en travaux publics, en constructions de chemins de fer, de canaux et de routes ; cent millions en achats d’instrumens de travail nouveaux, de nouvelles machines, etc. : il est évident que cette production aura pour résultat de diminuer les frais de la production de l’année prochaine. En diminuera-t-elle pourtant la valeur intrinsèque, effective, la valeur utile pour le pays ? Évidemment non, puisqu’au contraire elle procure les moyens de produire davantage, c’est-à-dire de satisfaire un plus grand nombre de besoins. Ainsi, s’il est vrai qu’une nation puisse dire en un sens que son produit annuel vaut, au point de vue des frais, ce qu’il lui a coûté, il est aussi incontestable que, si cette nation est en voie de progrès, son produit a une valeur utile supérieure dont le surplus va augmenter le capital national, la richesse publique, et, par là, se répandre sur tous ses membres. Ce point établi, revenons aux définitions de J.-B. Say. « La production nette ne peut s’entendre que lorsqu’il s’agit des intérêts d’un producteur par opposition à ceux des autres producteurs. Un entrepreneur fait son profit de la valeur produite, déduction faite de la valeur consommée ; mais ce qui est pour lui valeur consommée, comme l’achat d’un service productif, est, pour l’auteur de ce service, une portion de revenu. » Ceci est encore d’une évidence manifeste ; comme nous l’avons vu pour les particuliers, qui ne produisent que par l’échange et pour l’échange, la valeur se traduit nécessairement