Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

outils, et j’ajouterai en instruction, indispensable pour féconder le petit champ qu’on lui promet, on ne lui aurait encore rendu qu’un faible service. Chaque parcelle attribuée à un concessionnaire sera naturellement éloignée du champ qu’il possède déjà, enclavée, comme un carré d’échiquier, dans les divisions du champ commun. Il en résultera un des plus graves inconvéniens de la culture morcelée, l’éparpillement des parcelles. On sait les mécomptes de la culture parcellaire : perte de terrain pour la multiplication des chemins, perte de temps considérable pour les façons de labour, le charriage des engrais ; impossibilité, sur un espace trop restreint, de corriger les vices du sol, de varier les cultures, d’introduire les pratiques perfectionnées ; perte de semence évaluée à un huitième en sus, par la nécessité d’en répandre plus sur les petites pièces que sur les grandes. Le progrès le plus important à réaliser, le bon sens l’indique, ce serait l’extension des cultures fourragères, afin d’obtenir, par la multiplication du bétail, une plus grande quantité d’engrais. De cette façon, sans s’épuiser en travail pour élargir le champ arable, on procurerait un bénéfice réel au pays, en augmentant, soit le rendement des terres, soit la qualité des produits. « Si l’on parvenait, dit Royer, à porter uniformément le poids de l’hectolitre de froment à 80 kilogrammes au lieu de 75, il en résulterait un surcroît de production de 75 à 80 millions de francs par année. » La découpure de nos friches en petits carrés, leur partage entre des travailleurs besogneux, contribueront-ils aux perfectionnemens du sol ? Si les agronomes répondent négativement, le système qu’on propose est jugé.

Il suffit, si je ne m’abuse, de remonter à l’origine des communaux, de constater les motifs de leur établissement, pour concevoir une solution également conforme aux principes de l’agronomie et aux tendances politiques de notre temps. Pas de récoltes sans engrais, pas d’engrais sans bétail, pas de bétail sans prairies, voilà la loi : c’est la nature qui l’a dictée. Des pâturages communs ont donc été réservés par nos ancêtres en faveur de ceux qui ne possédaient pas assez de terres pour cultiver des fourrages et entretenir du bétail sur leur propre fonds. Les communaux, il est vrai, ne répondent plus à leur destination. Tandis que, dans les domaines particuliers, on a créé l’art de multiplier les ressources fourragères au moyen des prairies artificielles, des irrigations et des bons assolemens, le patrimoine indivis des pauvres est devenu de plus en plus improductif. Faut-il pour cela l’anéantir ? Non ; mieux vaut le régénérer en lui appliquant les perfectionnemens de la science agricole. Il faut transformer, pour ainsi dire, les prairies communales en fabriques de fourrages ou d’engrais.

Ce système suppose, non pas l’exploitation en commun, mais une