Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Concentrée entre les mains d’un seul, elle serait restée long-temps stationnaire ; devenue publique, elle devait, au contraire, grandir et s’améliorer par le concours de tous. Il était donc nécessaire qu’elle devînt une propriété publique. Dans la séance du 15 juin 1839, le gouvernement présenta à la chambre des députés un projet de loi portant la demande d’une récompense nationale accordée aux inventeurs de la photographie, qui consentaient à rendre leurs procédés publics. A la suite des rapports remarquables de M. Arago à la chambre des députés et de M. Gay-Lussac à la chambre des pairs, la convention provisoire conclue entre le ministre de l’intérieur et MM. Daguerre et Niepce fils fut convertie en loi. On accorda une pension viagère de 6000 francs à M. Daguerre, et une pension de 4000 francs à M. Niepce fils. Le chiffre un peu mesquin de cette rémunération s’efface évidemment devant la pensée qui l’a dictée. Nul, dans le gouvernement ni dans les chambres, n’avait prétendu payer la découverte à sa véritable valeur. Le titre de récompense nationale témoigne suffisamment que c’était là surtout un hommage solennel de la reconnaissance du pays au désintéressement et au génie des inventeurs.


II

Nous devons maintenant donner une description succincte de la méthode photographique inventée par M. Daguerre. On appréciera mieux ensuite les perfectionnemens successifs qui assurent à cette méthode un rang si élevé parmi les découvertes modernes.

Les images daguerriennes se forment, comme tout le monde le sait, à la surface d’une lame de plaqué ou cuivre recouvert d’argent. Une lame de plaqué est exposée pendant quelques minutes aux vapeurs spontanément dégagées par l’iode à la température ordinaire, elle se recouvre d’une légère couche d’iodure d’argent, et le mince voile ainsi formé présente une surface éminemment sensible à l’impression des rayons lumineux. La plaque iodée est placée alors au foyer de la chambre noire, et l’on fait arriver à sa surface l’image formée par la lentille de l’instrument. La lumière a la propriété de décomposer l’iodure d’argent : par conséquent, les parties vivement éclairées de l’image décomposent en ces points l’iodure d’argent ; les parties obscures restent, au contraire, sans action ; enfin, les espaces correspondant aux demi-teintes sont influencés selon que ces demi-teintes se rapprochent davantage des ombres ou des clairs.

Quand on la retire de la chambre obscure, la plaque ne présente encore aucune empreinte visible ; elle conserve uniformément sa teinte jaune d’or. Pour faire apparaître l’image, une autre opération est nécessaire ; la plaque doit être soumise à l’action des vapeurs du mercure.