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Toutefois ce problème capital d’abréger la durée de l’exposition lumineuse ne fut résolu qu’en 1841 d’une manière vraiment complète, grace à une découverte d’une incalculable valeur. M. Claudet, artiste français, domicilié à Londres, et l’un des cessionnaires du brevet que M. Daguerre a pris en Angleterre pour l’exploitation de ses procédés, découvrit en 1841 les propriétés des substances accélératrices. On donne en photographie le nom de substances accélératrices à certains composés qui, appliqués sur la plaque préalablement iodée, en exaltent à un degré extraordinaire la sensibilité lumineuse. Par elles-mêmes ces substances ne sont pas photogéniques, c’est-à-dire qu’employées isolément, elles ne formeraient point une combinaison capable d’être chimiquement influencée au contact de la lumière ; mais, si on les applique sur une plaque iodée, elles communiquent à l’iode la propriété de s’impressionner en quelques secondes. Les composés capables de stimuler ainsi l’iode sont extrêmement nombreux. Le premier, dont la découverte est due à M. Claudet, est le chlorure d’iode ; mais il le cède de beaucoup en sensibilité aux composés découverts postérieurement. Le brôme en vapeur, le brômure d’iode, la chaux brômée, le chlorure de soufre, le brômoforme, l’acide chloreux, la liqueur hongroise, la liqueur de Reiser, de Thierry, sont les substances accélératrices les plus actives. Avec l’acide chloreux, on a pu obtenir des épreuves irréprochables dans une demi-seconde et même dans un quart de seconde.

La découverte des substances accélératrices a permis de reproduire avec le daguerréotype l’image des objets animés. On a pu dès-lors satisfaire au vœu général formé depuis l’origine de l’art photographique, on a pu obtenir des portraits. Déjà avant cette époque on avait essayé de faire des portraits au daguerréotype ; mais le temps considérable qu’exigeait alors l’impression lumineuse avait opposé des obstacles insurmontables. On opérait avec l’objectif à long foyer, qui ne porte dans la chambre obscure qu’une lumière d’une faible intensité ; il fallait donc placer le modèle en plein soleil et prolonger l’exposition pendant vingt minutes. Comme il est impossible de supporter si long-temps, les yeux ouverts, l’éclat des rayons solaires, il avait fallu se résoudre à faire poser les yeux fermés. Quelques amateurs intrépides osèrent se dévouer, mais le résultat ne fut guère à la hauteur de leur courage. Pendant six mois, avec la prétention déclarée d’obtenir des portraits photographiques, on n’a guère reproduit que des images contractées et cadavéreuses qui ne semblaient bonnes qu’à faire prendre le daguerréotype en horreur. Néanmoins toutes les préventions durent disparaître, tous les préjugés durent tomber en présence des résultats qu’amenèrent la découverte et l’emploi des substances accélératrices. Dès ce moment, la physionomie put être saisie en quelques secondes et reproduite avec cette continuelle mobilité d’impressions qui forme le signe et comme le cachet de la vie. C’est à partir de cette époque que