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qu’elle ait cette intention. Lors de son avénement, elle a trouvé résolues bien des affaires qui avaient eu dans le temps leurs difficultés. Les questions de Belgique, d’Égypte, de Maroc, du droit de visite, de Taïti, sont aujourd’hui réglées. Rien n’indique, de la part du gouvernement de février, l’intention de les reprendre pour son propre compte. Nous n’avons pas entendu dire qu’il se proposât de réunir la Belgique à la France, de rendre la Syrie au vice-roi d’Égypte, ou de conquérir le Maroc. Son ambassadeur à Londres n’a pas été chargé jusqu’à présent de dénoncer les traités sur le droit de visite. Les journaux ne nous ont point appris qu’aucun vaisseau français soit parti de nos ports pour aller détrôner la reine Pomaré. La république n’a pas, à la connaissance de qui que ce soit, pris une attitude nouvelle en Europe, en Orient, au Maroc, sur la côte occidentale d’Afrique, dans la mer Pacifique. Soit qu’elle y pense ou qu’elle n’y pense pas, par la force des choses ou par sa volonté, elle maintient les résultats acquis. Bien plus, elle vit de ces résultats. Elle leur doit de n’avoir, sur aucun de ces points, aucun grave embarras à surmonter, aucune grave question à résoudre. La république recueille les fruits de l’ancienne politique extérieure. Ce sont les positions prises, les difficultés résolues par cette politique qui lui font sa sécurité et ses loisirs. N’a-t-elle pas intérêt à savoir comment ont été obtenus les bénéfices qu’elle entend bien conserver ? Ne lui importe-t-il pas de connaître comment, au milieu de mille embarras, sous le feu croisé d’attaques incessantes, portant le fardeau des affaires intérieures et tout le poids de la chaleur des jours, les hommes d’état du régime précédent ont peu à peu, sans jamais reculer d’un pas, réussi à gagner en Europe le terrain qu’il s’agit de ne pas perdre aujourd’hui ?

Je ne suivrai pas, pour remplir ma tâche, l’ordre chronologique des temps, et je ne parlerai pas de toutes les affaires importantes qui ont tour à tour fixé l’attention publique. Il me suffira d’indiquer les vues principales qui ont surtout dirigé la politique extérieure du dernier gouvernement. Mon but sera atteint, si, en faisant choix de certains épisodes peu connus ou mal appréciés, je réussis à établir que les personnages éminens qui ont eu successivement l’honneur de présider à cette portion la plus délicate peut-être du service public se sont, avec les seules différences résultant de la diversité des temps et des caractères, montrés tous, en somme, et chacun à son jour, gardiens fidèles et serviteurs habiles des intérêts essentiels de la France.

Quels sont les intérêts essentiels de la France au dehors ? Ils sont, je crois, très nombreux et très variés, plus nombreux et plus variés que ceux d’aucune autre nation. On peut cependant les résumer ainsi :

Intérêts de circonstances accidentelles ou de révolution ;

Intérêts de nation permanente ou de traditions ;