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veillance. Ce qui est avéré, c’est que les bons offices du gouvernement français ne firent nulle part défaut aux courageux défenseurs de la nationalité polonaise. De vives remontrances furent adressées au cabinet de Berlin, qui l’empêchèrent de prêter au czar une assistance trop directe. Rien ne fut épargné pour engager l’Angleterre à intervenir avec nous par voie de médiation. Son cabinet hésita d’abord, puis finit par éluder nos propositions. Partout et toujours nous nous montrâmes disposés à faire pour les Polonais ce que comportaient le temps et les circonstances. Cependant nous ne les avions point encouragés dans leur noble, mais périlleuse entreprise. D’autres sont venus, en 1848, qui, sans lever un soldat, sans dépenser un écu, n’ont pas craint, par leurs folles déclamations, d’envoyer périr au fond des sables de l’Allemagne ces pauvres exilés, surpris de ne plus trouver une patrie à servir, ni même un champ de bataille où tomber glorieusement.

Le cabinet de Vienne avait donc pris, on le voit, une part assez restreinte aux conférences de Londres, ou du moins il n’était intervenu avec un peu d’activité, comme représentant des intérêts de la confédération germanique, que dans la question spéciale soulevée au sujet du Luxembourg. Il s’était, autant qu’il avait pu, tenu à l’écart dans la question polonaise. Les événemens qui éclatèrent à deux reprises dans le nord de l’Italie pendant les années 1831 et 1833 le touchèrent de plus près, et multiplièrent ses points de contact avec le gouvernement français.

En Italie, les vues de la France et de l’Autriche étaient directement opposées. La France avait un intérêt évident, celui de l’indépendance des états italiens ; l’Autriche, un intérêt non moins considérable, celui de leur tranquillité. Les chances de collision entre les deux politiques étaient d’autant plus probables, que le cabinet de Vienne, faisant pour lui-même une question d’existence du maintien des gouvernemens italiens, se croyait en droit d’agir immédiatement par la force même des armes aussitôt qu’un autre mode d’action viendrait à lui échapper. Afin de diminuer le mérite des actes de vigueur auxquels le gouvernement français a dû plusieurs fois avoir recours pour écarter de l’Italie le fléau d’une occupation autrichienne permanente, on a souvent avancé que l’Autriche n’avait point sérieusement songé à intervenir par les armes dans les révolutions intérieures des états italiens, et qu’elle bornait son ambition à préserver de toute commotion la Lombardie et les états vénitiens. Rien de moins fondé que cette opinion. Avant même qu’aucune insurrection eût éclaté en Italie, les résolutions du gouvernement autrichien étaient parfaitement arrêtées. Dès la fin de l’année 1830, la cour de Turin ayant témoigné quelques appréhensions à l’égard d’un corps de réfugiés piémontais qui cher-