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d’accepter un rôle plus décisif et de donner un nouveau roi à la Hongrie. Jusqu’à cette époque (15 septembre), il avait cherché à gagner du temps, s’efforçant chaque jour, mais sans compromettre son initiative, de faire prévaloir les résolutions les meilleures, ou plutôt les moins mauvaises, les seules possibles dans les temps de vertige et de trouble. Il avait alors borné son rôle à celui de médiateur entre la Hongrie et la Croatie. Un décret de l’empereur, du 31 août, l’avait chargé de remplacer l’archiduc Jean dans cette mission. Il reprocha avec quelque amertume aux députés la défiance qu’on semblait lui montrer ; il était bien résolu, pour son compte, à ne point manquer à ses devoirs, ni vis-à-vis de l’empereur, ni vis-à-vis de sa patrie. « Si l’on veut me contraindre d’un côté ou de l’autre, ajouta-t-il, je quitterai Pesth et la Hongrie. » Quelques jours après (25 septembre), après avoir été reconnaître les avant-postes de l’armée croate qui s’avançaient près le lac Balaton, le jeune palatin a quitté en effet la Hongrie. On dit qu’il était parti incertain encore de ce qu’il ferait, cherchant peut-être, dans la simplicité de ce devoir suprême de défendre sa patrie, un glorieux moyen pour sortir de la situation fausse où il se trouvait engagé. Quelques journaux assurent qu’il rencontra dans l’armée croate le jeune archiduc Frédéric. La présence de son cousin ne pouvait plus lui laisser de doute sur la volonté de l’empereur et sur l’impossibilité de son rôle actuel il partit pour Vienne et remit sa démission entre les mains de l’empereur. Depuis, il a quitté Vienne et s’est retiré dans sa terre de Schaumbourg, en Moravie.


V

Ce n’était pas seulement la réponse de l’empereur à la députation hongroise qui avait provoqué et aggravé la crise gouvernementale qui venait d’éclater à Pesth. A la même date (11 septembre), les troupes croates, le ban à leur tête, traversaient cette rivière de la Drave, sur les rives de laquelle Bathiany avait dit à Jellachich qu’ils se rencontreraient bientôt.

L’armée s’avança sans obstacles ; elle s’arrêta devant la forteresse d’Esseg, près du confluent de la Drave et du Danube ; le commandant arbora le drapeau impérial, dit qu’il était là, non pour le gouvernement hongrois, mais pour l’empereur d’Autriche, et l’armée croate passa outre. Le ban s’était fait précéder de la proclamation suivante :

« A LA NATION HONGROISE,

« En mettant le pied sur cette terre à laquelle je suis attaché par la sympathie la plus vive, je prends le ciel à témoin que je ne fais cet acte qu’après avoir