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tant à y aller, que chaque jour j’y vais un moment. Je les connaissais de vieille date. Elles sont extrêmement simples et accueillantes. Mais figurez-vous la situation de cette jeune veuve qui vient de faire une perte si sensible ! Sa mère est impotente et ne peut vivre long-temps. La fille est menacée de se voir seule bientôt, ce qui rend sa position plus cruelle. Vous me demandez pourquoi ce jeune Napoléon se trouvait avec les constitutionnels. C’est une de ces destinées qu’on peut dire malheureuses. Homme charmant, réunissant toutes les qualités, estimé de tous, aimant l’étude et fort instruit, il était occupé d’un ouvrage fort important qu’il allait publier, quand la fatalité amena ici son jeune frère, qui avait été renvoyé de Rome comme suspect. Ces deux jeunes gens, ayant appris que leur mère, la duchesse de Saint-Leu, partait de Rome pour venir les rejoindre à cause des troubles de la Romagne, voulurent aller à sa rencontre, et, au lieu de prendre la route de Sienne, ils prirent celle de Perugia, qui n’était pas celle que leur mère avait suivie. Ils furent reçus à Perugia, Foligno, Spoleto, Terni, avec de si vives démonstrations de joie, on leur fit tant d’instances pour les porter à se réunir aux mécontens et leur donner l’appui d’un grand nom, qu’ils se laissèrent entraîner : Napoléon, par faiblesse. Quand je les vis à Terni, j’ai pu apercevoir combien l’aîné était préoccupé de la position où il mettait sa famille : il m’en parla beaucoup, mais enfin le sort en était jeté. Il a succombé à une vie trop active pour lui, qui avait toujours vécu dans le calme et le repos. »

Un mois auparavant, Robert disait de son entrevue avec ce prince : « Il m’a ouvert son cœur. Je suis persuadé que ses intentions étaient très nobles, si elles n’étaient pas très raisonnables. On ne peut savoir encore le genre de sa mort. On parle de la fièvre jaune, d’un duel, du poison… Pour moi, je crois sa mort naturelle. Sa femme, qui est ici et que j’ai vue plusieurs fois depuis mon arrivée, doit être dans la plus grande désolation. Je n’ose encore aller la revoir. »

Florence, 16 mai 1831. — « Qu’allez-vous dire de moi en recevant encore une lettre de Florence ? Vous allez penser que je me presse bien peu pour me rendre à Paris. Que vous dirai-je, sinon que Florence m’est chère par plus d’un motif, et que je pensais bien peu y trouver des empêchemens si forts pour la quitter ? Quoi qu’il en soit, autant que je puis le dire à présent, mon parti est pris, et je partirai aussitôt que mes ouvrages seront terminés. Toutefois veuillez croire que ce n’est rien d’indigne d’un honnête homme qui me lie ici, et, sans vous donner, pour le moment, d’autres détails, je vous prie de me conserver votre estime. »

Enfin, Robert était venu à Paris, portant dans son cœur le trait fatal, et bientôt M. Marcotte d’Argenteuil avait lu dans cette ame malade. Il avait reproché à Léopold de cacher des souffrances à son amitié. « Quels