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privilégiée. Son premier fruit est une révoltante inégalité dans la répartition des bénéfices ; son dernier résultat, une catastrophe. Il donne tout aux uns, et rien aux autres ; il dépouille ceux-ci pour enrichir ceux-là, et, loin de compenser ce vice profond en offrant au public une sécurité plus grande, il l’environne, au contraire, de piéges et de périls. Il trompe le commerce, en ne l’excitant aujourd’hui que pour l’abandonner demain ; il l’induit dans des opérations qu’il ne lui permet pas ensuite de soutenir, et, par là, il l’expose à d’incalculables pertes : système odieux, inqualifiable, qu’un pays civilisé aurait honte d’avoir supporté un seul jour, s’il en comprenait bien tous les abus !

Si l’on demande maintenant comment la liberté d’instituer de nouvelles banques pourrait faire disparaître tous ces inconvéniens, il me semble que la réponse est simple. Du jour où, par l’effet des émissions de la première banque, il y aurait sur la place une certaine quantité de capitaux disponibles, les propriétaires de ces capitaux se réuniraient pour former une seconde banque et partager les bénéfices de l’autre, en entreprenant le même commerce. Dès-lors cesseraient et l’inégalité que nous remarquions tout à l’heure dans la répartition des bénéfices et le danger d’un engorgement sur place, aussi bien que celui du retrait subit des dépôts. Les avances faites au commerce seraient tout aussi fortes, sinon plus considérables : il y aurait seulement cette différence capitale, que, ces fonds étant désormais prêtés par ceux à qui ils appartiennent, ils ne seraient plus sujets à ces rappels désastreux qui sont la ruine de toute industrie honnête. Avant de faire ressortir les conséquences de ce nouvel ordre de choses, il importe de montrer, par l’exemple de l’Angleterre et de la France, que tout ce qui précède n’est pas une hypothèse gratuite.


II. – LES CRUSES CILLERCUAKES EN FRANCE.

Considérées dans leurs circonstances particulières et leurs détails, les crises commerciales qui ont éclaté en divers temps en France et en Angleterre ont chacune leur caractère propre ; mais, considérées dans leurs caractères dominans et par rapport aux causes premières qui les engendrent, elles se ressemblent toutes. La plus récente de ces crises, celle de 1846-47, sera notre terme de comparaison.

En 1844, voici quelle était la situation de la Banque de France. Ses escomptes, y compris les avances diverses, sur rentes, lingots, etc., s’étaient élevés à la somme de 809,257,949 francs. Ce chiffre était un peu inférieur à celui des années précédentes ; aussi la Banque se plaignait-elle amèrement. Les escompteurs particuliers, disait-elle, en prêtant leurs fonds à moins de 4 pour 100, taux fixé pour ses escomptes à elle, lui enlevaient une partie des effets du commerce et, restreignaient