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chose à ses ressources propres en émettant une certaine quantité de billets ; mais, à moins qu’on n’eût abaissé le chiffre des coupures de ces billets, la circulation totale n’aurait pas grossi pour cela, car c’est le public qui règle cette circulation, sans qu’il dépende en rien des banques de l’élever. Ainsi le commerce et l’industrie auraient pu se donner carrière, sans qu’on eût à redouter aucune perturbation. Il va sans dire cependant que la Banque actuelle aurait vu diminuer ses bénéfices. Après l’établissement d’une première banque rivale, elle aurait vu ses produits se réduire, non pas de moitié, puisque la somme totale des escomptes aurait pu augmenter, mais peut-être d’un tiers, par exemple, de 16 pour 100 à 10. Après l’établissement d’une seconde banque rivale, ces mêmes bénéfices se seraient peut-être réduits à 7 ou 8 pour 100 ; une quatrième aurait pu les réduire à 5 ou 6, taux d’intérêt encore fort respectable, et que la plupart des capitalistes seraient trop heureux d’obtenir, s’ils pouvaient les percevoir sans travail et sans danger. Si l’on demande où s’arrêterait cette multiplication des banques, la réponse sera simple : elle s’arrêterait au moment où les bénéfices obtenus par ce moyen ne seraient plus supérieurs à ceux qu’on peut obtenir dans d’autres directions.

La France veut-elle enfin améliorer sa condition ? Voilà la route qu’elle doit suivre : route facile autant que sûre. C’est par la liberté des banques qu’elle pourra remédier aux maux présens, en s’assurant un sort prospère dans l’avenir. Qu’on se hâte donc de proclamer ce salutaire principe. Quelques autres mesures, il est vrai, seraient encore nécessaires. Il faudrait, par exemple, affranchir l’association commerciale des entraves que le régime actuel lui impose ; car il ne servirait de rien d’avoir permis aux compagnies d’exercer le commerce de banque, si la formation régulière des compagnies demeurait à peu près impossible, comme elle l’est dans l’état présent de la législation. Peut-être aussi, pour accélérer le retour du crédit, serait-il nécessaire d’abroger la loi qui fixe le taux de l’intérêt, loi fâcheuse dans tous les temps, et surtout en ce moment funeste ; mais ces dernières mesures sont comme les corollaires de l’autre. Que les Français puissent, usant d’un droit fort naturel d’ailleurs, exercer comme ils l’entendent, soit isolément, soit en compagnies, le commerce de banque, de change et d’argent : voilà le principe dans toute sa latitude, tel qu’il doit être compris et proclamé. À cette condition, mais à cette condition seulement, le commerce et l’industrie répareront leurs ruines, et se relèveront plus forts, plus vivaces, qu’ils ne l’ont été dans aucun temps.


CHARLES COQUELIN.