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magyars travaillaient par ces fables l’imagination crédule du paysan, ils combinaient et exécutaient un dessein plus sérieux. A l’alliance de Jellachich avec l’empereur, ils opposaient une alliance des Magyars avec les radicaux allemands.

Les radicaux de Vienne forment à peine le dixième de l’assemblée constituante, qui représente l’empire, moins la Hongrie, la Croatie, la Transylvanie et la Lombardie. Ils ne brillent ni par l’autorité du nom, ni par la puissance du talent, ni même par la hardiesse des idées. Perdus au milieu d’une assemblée indécise où les rivalités de province et de nationalité dominent généralement les intérêts libéraux, ils n’apportent, au milieu de ces tiraillemens et de ces luttes sourdes ou patentes, que de nouveaux élémens de confusion. Le radicalisme viennois manque d’inspirations qui soient originales. Comme le radicalisme germanique, il se contente de puiser dans notre histoire et d’imiter consciencieusement, sans ajouter aux idées de notre âge héroïque autre chose que cette teinte mystique naturelle au génie allemand. Encore faut-il avouer que le radicalisme savant et passionné de Francfort et de Berlin l’emporte de beaucoup sur celui de Vienne, timide et peu sûr de lui-même. Et pourtant plusieurs circonstances conspirent en quelque sorte pour favoriser celui-ci dans l’expansion et le triomphe de ses idées. C’est d’abord la faiblesse de l’empire et la lutte des races. C’est ensuite l’organisation même de la garde civique ; c’est l’établissement de cette force turbulente qui, sous le nom de légion académique, a joué un rôle si décisif dans toutes les manifestations dont Vienne a été le théâtre. La légion académique est composée, non point seulement de la jeune population des universités, mais de révolutionnaires accourus de tous les points de l’empire et de la confédération elle-même. Allemands, Hongrois, Polonais, Italiens, se sont donné rendez-vous dans ces cadres, et, fort peu soucieux de l’intérêt de Vienne et de l’Autriche, ils se sont constitués en janissaires du radicalisme.

Les ministres magyars essayèrent de faire entendre aux quarante radicaux de la diète de Vienne et à la légion académique que le radicalisme était compromis par la conduite et l’ambition de Jellachich. Ils furent écoutés. Les Allemands voyaient dans le ban de Croatie un Slave résolu qui élevait un drapeau peu agréable aux yeux de la race germanique. Les Italiens, de leur côté, redoutaient un accroissement d’autorité pour cette race qui venait de frapper des coups si terribles sur leur nationalité. Les Polonais, acharnés contre le gouvernement de l’Autriche et troublés d’ailleurs par le respect humain en présence de l’Europe démocratique, entrèrent aussi dans le mouvement qui se préparait. Tous d’ailleurs, Allemands, Italiens, Polonais, séduits par les magnifiques promesses des Magyars, et croyant sérieusement à une coopération impétueuse de ce côté, acceptèrent l’alliance proposée. On