Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/549

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actuelle du numéraire, doivent bien représenter à peu près 1 milliard[1]. C’est beaucoup sans doute pour des bâtimens ; mais du moins ce n’est pas quatre milliards six cents millions comme le disait Volney.

L’ouvrage de M. de Noailles ne contient rien de très nouveau sur le mariage de Mme de Maintenon et du roi. Je ne sais ce qui l’a empêché de citer parmi les preuves de ce mariage, dont au reste personne ne doute plus, une curieuse lettre du père Bourdaloue à Mme de Maintenon où je trouve ce conseil significatif : « Quand il vous arrivera de vous coucher devant la personne que vous me marquez, ne vous dispensez point pour cela de faire à Dieu une prière courte avant de vous mettre au lit. Cette régularité l’édifiera et lui pourra être une bonne instruction. »

Louis XIV, dont M. de Noailles n’est pas moins l’historien que de Mme de Maintenon, est aussi de sa part l’objet d’une prédilection que tous les lecteurs ne partageront pas au même degré. La faveur ou la sévérité de l’opinion publique pour Louis XIV et son règne offrent comme une sorte de thermomètre qui indique l’état des esprits dans un temps donné. Malgré la réaction qui suivit les dernières années de ce règne et le mouvement d’opinion qui commença dès-lors à se produire, sauf quelque persiflage dans les Lettres persanes, écrites en pleine régence, le XVIIIe siècle, le siècle philosophique, a assez ménagé la mémoire de Louis XIV. Le XVIIIe siècle appartient aux hommes de lettres, et les hommes de lettres, Voltaire à leur tête, respectaient le protecteur de la littérature dans l’ennemi de la liberté de penser. Après que la révolution eut jeté aux vents les cendres du grand roi et les souvenirs du passé qu’il représentait, on reconnut ceux qui se rattachaient aux idées révolutionnaires et ceux qui voulaient fonder de nouveau l’ordre monarchique, à l’aspect sous lequel ils envisageaient et présentaient Louis XIV. Ainsi, tandis que Chénier, dans son Épître à Voltaire, écrivait ce vers assez injuste sur le souverain :

Qui de l’éclat des arts empruntait son éclat,


les adversaires de la tradition révolutionnaire lui opposaient comme un bouclier la mémoire de Louis XIV. L’empire, malgré l’attrait naturel du despotisme pour le despotisme, ne se plut jamais beaucoup au souvenir du grand roi. La splendeur rivale et trop voisine de ce souvenir l’importunait, il aimait mieux évoquer la mémoire lointaine

  1. M. de Noailles fait remarquer que dans cette somme se trouvent compris non-seulement les travaux de luxe, c’est-à-dire ceux des châteaux de Versailles, de Marly, de Trianon et leurs dépendances, mais aussi les travaux de l’Observatoire, de l’église et du dôme des Invalides, de la place Vendôme, de l’église de Notre-Dame à Versailles, du Vat-de-Grace, d’une partie du canal du Languedoc, et enfin des manufactures, tous monumens publics qui n’avaient aucun rapport avec les habitations royales.