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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/616

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l’histoire de la peinture et de la statuaire n’y figure pas ? L’histoire de l’architecture serait-elle plus utile aux architectes que l’histoire de la peinture aux peintres et l’histoire de la sculpture aux sculpteurs ? Je ne crois pas qu’il soit possible de soutenir une pareille thèse. Quel que soit l’art qu’on étudie, il est toujours utile de connaître l’histoire de cet art. Si les architectes ont besoin de savoir ce qu’a été l’architecture depuis les Égyptiens jusqu’à nos jours, s’ils ont besoin de connaître par quelles transformations elle a passé, les statuaires et les peintres n’ont certainement pas un moindre profit à retirer de l’étude historique de leur art. Je cherche vainement par quels motifs on pourrait justifier le privilège accordé à l’architecture dans l’école de Paris. L’histoire de l’architecture aurait-elle pour mission d’enseigner aux élèves l’art si facile et si obstinément pratique de nos jours, l’art de composer des églises et des palais sans se mettre en frais d’invention, l’art, en un mot, de substituer la mémoire à l’imagination ? Je ne veux pas le croire, quoique la plupart des monumens construits de nos jours autorisent une pareille conjecture.

Si l’histoire de l’architecture peut amener à cette conclusion déplorable les esprits qui la comprennent incomplètement, elle a pour les esprits vraiment éclairés un sens plus large et plus fécond. En nous montrant que l’art, à toutes les grandes époques, a fait de l’invention le premier de ses devoirs, en signalant à notre attention le néant des monumens enfantés par la seule mémoire, en nous prouvant que pour prendre un rang glorieux, pour le garder, il faut avant tout vivre d’une vie personnelle, être soi-même, l’histoire de l’architecture est appelée à renouveler la face de l’art, ou du moins à préparer le renouvellement, que l’invention seule peut accomplir avec le secours de la science. Loin d’inviter à la paresse, comme le disent quelques esprits étroits, loin de décourager ceux qui entrent dans la carrière en déroulant devant leurs yeux le tableau de toutes les merveilles déjà créées par l’imagination humaine, elle doit servir d’aiguillon et d’encouragement aux artistes qui savent pénétrer le véritable sens du passé. Tous les grands noms qui ont survécu conseillent l’invention hardie et non l’imitation servile. Chercher dans le passé l’apologie de l’inaction et de l’impuissance, c’est méconnaître le véritable objet des études historiques. Dans l’ordre esthétique aussi bien que dans l’ordre politique, cette vérité ne souffre aucune contradiction. Il n’y a pas de vie sans mouvement ; qu’il s’agisse de gouverner les hommes ou de les charmer, il faut avant tout agir ; dans le domaine de la volonté ou de l’invention, renoncer à exister par soi-même, continuer le passé sans y rien ajouter, c’est tout simplement renoncer à vivre. Oui, sans doute, il est bon que les architectes connaissent pleinement toutes les métamorphoses de l’art monumental, depuis les temples de Memphis