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les chambres du Vatican peintes par Raphaël, Rome serait encore la première de toutes les écoles. Les œuvres de ces deux hommes éminens sont empreintes, en effet, d’un savoir si profond, que celui qui les connaît, qui a vécu dans leur intimité, peut, à bon droit, se vanter de connaître l’art tout entier. En quittant Raphaël et Michel-Ange, il emporte au fond de son ame une image que le temps ne saurait effacer ; chaque fois qu’il se trouve en présence d’une œuvre éclatante ou sévère, pour l’estimer à sa juste valeur, il n’a qu’à interroger cette image, et il est sûr de ne pas se tromper. Cependant Raphaël et Michel-Ange ne représentent pas même la moitié des richesses de Rome. Outre les musées du Vatican et du Capitole, que de palais, que d’églises, que de galeries où l’on peut étudier les principales écoles d’Italie ! La plupart des maîtres que nous connaissons à Paris, dont la galerie du Louvre possède plus d’une œuvre importante, se révèlent à Rome sous un aspect inattendu. Annibal Carrache, au palais Farnèse, est un peintre nouveau pour ceux qui ne l’ont étudié que dans ses tableaux. Il y a dans le Triomphe de Bacchus une franchise, une hardiesse, une verve à laquelle nous ne sommes pas habitués. La tribune de Saint-André della Valle nous montre Dominiquin avec des qualités qu’on ne trouve pas même dans le plus célèbre et le plus vanté de ses tableaux, dans la Communion de saint Jérôme. C’est dans la tribune de Saint-André qu’il faut étudier Dominiquin, si l’on veut savoir vraiment ce qu’il vaut. Le Martyre de saint André, qui se voit à San-Gregorio, en regard d’une fresque du Guide ; la chapelle même de Saint-Basile, à Grotta-Ferrata, dont les diverses compositions se recommandent par tant de vérité, ne peuvent donner une idée du mérite qui éclate dans la tribune de Saint-André. Jamais Dominiquin ne s’est montré aussi simple, aussi savant ; jamais il n’a tiré un plus riche parti de l’architecture. Le Guerchin et Guide, étudiés à la villa Ludovisi, au palais Rospigliosi, ne sont pas moins nouveaux pour ceux qui ne connaissent que leurs peintures à l’huile. Guide et le Guerchin, comme Dominiquin et Annibal Carrache, dans leurs fresques de Rome, se montrent à nous avec une puissance qu’on chercherait vainement dans leurs autres compositions.

La sculpture n’est pas représentée à Rome moins richement que la peinture. Le Vatican et le Capitole renferment une foule de figures qui, sans pouvoir se comparer à la Vénus de Milo, aux marbres d’Athènes, se recommandent pourtant par de rares mérites. Le torse du Vatican, qui passe parmi les antiquaires pour un fragment d’Hercule au repos, pourrait seul se placer à côté de l’Ilissus et du Thésée. Le Laocoon, l’Apollon du Belvédère, le Méléagre, sans appartenir à un art aussi élevé, et qu’on ne pourrait mettre sur la même ligne sans avouer hautement son ignorance, offrent pourtant d’utiles enseignemens. Le torse et le masque du Laocoon expriment la douleur avec une admirable