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de 1836, marquent les tâtonnemens et les progrès de l’organisation gouvernementale, et signalent l’application graduelle des idées européennes au régime colonial. Parmi ces réformes successives, celles qui ont eu pour objet de modifier les pouvoirs et prérogatives des gouverneurs-généraux doivent nous occuper en première ligne[1].

Les états-généraux avaient vu de bonne heure que le commerce de l’Inde pouvait devenir pour la Hollande une source de bien-être et une base d’indépendance ; mais, au milieu des prospérités de ce commerce naissant, ils furent frappés des dangers que présentait la pluralité des compagnies. Ils assemblèrent à La Haye les directeurs de ces associations rivales, et les déterminèrent à ne former désormais qu’un seul corps. La compagnie des Indes orientales, ainsi constituée, le 20 mars 1602, parvint à s’ouvrir, en sept années d’existence, de si nombreuses et de si avantageuses relations commerciales avec des peuples et des gouvernemens de l’Asie, qu’elle dut se préoccuper de centraliser et de consolider l’administration provisoire établie dans cette partie du monde. Les gouverneurs maritimes que les directeurs plaçaient sur chaque flotte envoyée aux Indes orientales agissaient chacun selon ses inspirations, et ne pouvaient, par conséquent, donner aux affaires coloniales l’unité de direction qui leur manquait. Cependant le commerce de la compagnie aux Indes s’était accru au point qu’elle comptait à son service 40 bâtimens, soit de guerre, soit destinés au transport des marchandises, et montés par plus de 5,000 matelots. Les relations commerciales qu’elle avait nouées avec les insulaires de Java, de Sumatra, Ceylan, Johor, Queda, avec ceux des Moluques, avec le Bengale, la Chine, le Japon, l’avaient forcée à créer en divers lieux des comptoirs où elle entretenait un nombreux personnel et où elle exerçait une grande action. L’année 1605 fut célèbre par la déclaration du roi d’Espagne, portant défense aux habitans des Provinces-Unies, sous peine de punition corporelle, d’exercer le commerce en Espagne et dans les Indes orientales et occidentales ; mais, au lieu d’intimider la compagnie, cet impérieux édit ne fit que raviver son courage. Elle fit équiper aussitôt une flotte de onze gros vaisseaux marchands armés en guerre, qui fut bientôt suivie d’une autre de huit vaisseaux. Ces expéditions et une troisième plus considérable encore assurèrent tellement la supériorité des Hollandais dans les mers de l’Inde, que les négociations entamées dans l’intervalle et conduites par les états-généraux avec une fermeté remarquable aboutirent à la trêve de 1609, par laquelle l’Espagne s’engagea à ne plus troubler le commerce des Hollandais aux Indes.

  1. Nous avons consulté, pour nous éclairer sur la marche progressive de l’organisation gouvernementale aux Indes orientales néerlandaises, les principales publications de 1763 à 1845. Un résumé imprimé dans le Moniteur des Indes orientales et occidentales (La Haye, 1846) nous a été fort utile.