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l’Allemagne s’émeut et se soulève au nom du droit naturel de la race germanique, ou elle se trompe sur l’histoire, pleine des témoignages de l’origine danoise du Schleswig, ou, elle pense (et c’est une pensée difficile à justifier) que la présence d’une minorité allemande, fraternellement accueillie chez des populations étrangères, suffit pour lui assurer légalement la possession de ce pays, ou bien elle a un intérêt maritime, par exemple, à s’emparer du territoire du Holstein et du Schleswig, pourvu de ports excellens et d’un littoral peuplé de marins hardis ; mais un intérêt ne constitue pas un droit. Dans toutes ces hypothèses, le droit de nationalité, le droit écrit, en un mot la justice sous toutes ses formes est du côté du Danemark, et l’intérêt que ce pays défend, c’est le plus élevé, le plus impérieux qui puisse régler la conduite d’un peuple, c’est l’intérêt de son existence. Le Danemark possède, y compris l’Islande et les colonies, une population de deux millions cinq cent mille ames. En abandonnant le Holstein, il en perd quatre cent cinquante mille. Il en perdrait trois cent soixante mille de plus, si le Schleswig devait appartenir à l’Allemagne. Ce serait pour ce petit état une ruine complète à laquelle il ne peut pas se résigner de son plein gré.


I – L’INSURRECTION ET LA GUERRE

La guerre par laquelle le Danemark vient de passer pour aboutir à la négociation laborieuse d’un armistice enfin ratifié aujourd’hui est survenue à la suite de l’insurrection des populations allemandes des duchés, et cette insurrection, sans être libérale, a éclaté à la faveur du mouvement universel de l’Allemagne. Cependant les esprits s’y préparaient depuis plusieurs années, avec la sympathie et l’encouragement plus ou moins manifeste de la confédération germanique. Christian VIII, prince paisible et ami des arts, mais dépourvu de fermeté, négligea de prendre des mesures contre l’agitation chaque année croissante et couverte par la tolérance des fonctionnaires allemands. Ce furent les paysans du Schleswig d’abord, puis les états provinciaux du Jutland, et enfin la municipalité de Copenhague, qui osèrent avertir le gouvernement du péril. Le peuple danois s’effrayait à bon droit des théories hautement développées qui menaçaient le royaume d’une dissolution, et il supplia instamment le roi d’aviser, ou du moins de faire entendre des paroles capables de rassurer à cet égard le patriotisme alarmé de ses sujets. Le gouvernement danois attendit donc, pour se prononcer, les sollicitations et les encouragemens des corps politiques, des paysans eux-mêmes et de l’opinion. Il publia, en juillet 1846, une lettre patente qui ne méconnaissait point les droits fédéraux de la diète germanique sur le Holstein, mais qui, sans briser les liens administratifs