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qui existait entre Venise et le reste de l’Italie. Le rapport du ministre des finances ne fut guère plus rassurant que celui du ministre des affaires étrangères. La conclusion était que le budget actif de la république de Venise, grace aux réductions récemment adoptées, ne dépassait pas 190,000 livres par mois. Ses dépenses les plus indispensables ne pouvaient être évaluées à moins de 2,200,000 livres par mois. On s’était adressé à toutes les villes d’Italie, en les conjurant de ne pas laisser périr Venise faute d’argent ; mais jusqu’à ce moment aucun secours n’avait été offert.

L’assemblée s’était réunie, nous l’avons dit, dans les premiers jours de juillet. Quelques envoyés secrets du Piémont s’étaient efforcés de préparer Venise au grave changement qui allait s’opérer. Pendant que l’assemblée délibérait, des cris de vive le Piémont ! à bas la république ! se firent entendre. Quand le résultat de la délibération fut connu, Venise ne laissa voir aucune émotion. La croix de la maison de Savoie remplaça sur tous les édifices le drapeau de Saint-Marc au milieu d’un morne silence. Les cris de vive le Piémont ! avaient cessé de retentir dès que les démonstrations royalistes avaient atteint leur but. Venise ne s’était unie au Piémont qu’avec défiance. Hâtons-nous de le dire, cette défiance était injuste ; elle pouvait conduire à un abîme. Les Piémontais n’étaient-ils pas les compatriotes, les frères des Vénitiens ? Oui, sans doute, mais le peuple n’achève pas son éducation en un jour. Des préjugés fâcheux le séparaient du Piémont. Pour en triompher, il eût fallu s’adresser franchement à son intelligence, à son patriotisme, plutôt que de le placer dans une cruelle alternative où la nécessité lui ôtait la liberté de son choix. La défiance de Venise s’expliquait moins encore par l’erreur de ses habitans que par la maladresse des imprudens amis de la maison de Savoie.


III

Deux faits qui semblaient se contredire suivirent l’adhésion de Venise au royaume de l’Italie du nord. Venise reçut de Charles-Albert deux mille hommes et 800,000 francs, mais, d’autre part, le blocus de Trieste fut levé. La population de Venise apprit avec peine la levée de ce blocus, qui pouvait à la longue déterminer un soulèvement des habitans de Trieste contre l’Autriche. Cependant le Piémont n’avait rien à se reprocher en cette occasion. Le mouvement de la flotte sarde s’expliquait par la retraite de l’escadre napolitaine, qui devait, conjointement avec elle, bloquer Trieste. La mollesse avec laquelle les opérations du blocus avaient été conduites dans l’origine pouvait seule mériter un blâme sérieux. Quoi qu’il en soit, Venise accueillit avec un profond mécontentement la déclaration de l’amiral piémontais Albini,