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surannées des peuples enfans, et cherchons, avec le secours de la raison virile et de la science certaine, les véritables bases de la législation spirituelle. » Qu’ont donc appris à M. de Lamennais la raison virile et la science certaine ? Quelles sont ces lois internes de Dieu, ces lois universelles des êtres aujourd’hui « révélées par le temps, » suivant lesquelles la société et l’homme peuvent désormais se développer avec la pleine connaissance de leurs destinées ? Nous l’allons voir. Je résume, avec la fidélité la plus rigoureuse et en reproduisant les expressions mêmes de l’auteur, le livre de la Société première.

Qu’est-ce d’abord que l’homme d’après M. de Lamennais ? Le caractère de l’homme, être intelligent, est de se connaître, parce qu’il connaît Dieu. L’intelligence naît d’une affirmation, du premier jugement par lequel la pensée de l’homme affirme l’existence du monde extérieur et la sienne propre ; mais ce jugement implique l’affirmation de l’être absolu, infini, par conséquent de Dieu. Au moment où l’intelligence s’ouvre, elle découvre l’être absolu par une vision immédiate, et elle le proclame par un acquiescement spontané et un acte de foi nécessaire. Telle est la condition primitive de la connaissance, « et, comme l’objet de la connaissance des êtres intelligens est infini, qu’en pénétrant en Dieu par la vision de l’esprit, ils y découvrent successivement tout ce que renferme l’être absolu, inépuisable, source des réalités contingentes, leur première loi est celle d’un progrès éternel dans le vrai et dans le bien. » De cette condition de la connaissance procèdent, en même temps que la loi du progrès, la liberté de l’homme et l’origine du mal dans l’humanité. « Les êtres intelligens étant en relation immédiate avec le fini et l’infini, avec deux termes incommensurables, qui leur fournissent respectivement des motifs d’action souvent opposés, sont libres par cela même,… d’une liberté relative,… d’autant plus grande que leurs facultés supérieures ont atteint un plus haut degré de développement. Ils connaissent leurs lois et doivent les connaître toujours mieux. En cela surtout consiste le progrès, et cette connaissance, qui fonde leur liberté, fonde aussi le pouvoir redoutable dont ils sont investis de violer l’ordre, ou d’introduire dans l’univers le mal qui ne pourrait s’y produire autrement. Ainsi, chose étrange au premier aspect, le mal, en tant que possible, dérive de la perfection même incomparablement plus grande des êtres intelligens et libres, il est pour eux la condition du bien, selon le mode où ils y participent et sont destinés à l’accomplir. » Enfin, la loi du progrès ne peut s’accomplir pour l’homme qu’au sein de la société, laquelle, « sous sa notion la plus générale, représente parmi les êtres multiples et divers le principe qui, suivant les lois de leurs natures respectives, les unit entre eux, de sorte que de proche en proche ils soient tous ramenés à l’unité universelle. » - « Le caractère le plus marqué de la nature qui distingue exclusivement