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des libéraux l’apologie du passé. Pour protester contre les mécontentemens qui exploitaient la secousse de février, MM. Rogier, Verhaegen et Delfosse ont été amenés à exalter le magnifique ensemble de libertés et de progrès matériels que la Belgique a réalisé en dix-sept ans, et M. Dechamp a quelque droit de demander si le parti qui a dirigé presque exclusivement les affaires durant cette période ne peut pas s’enorgueillir d’un pareil passé. Il y aurait, certes, ingratitude et injustice à le méconnaître. C’est grace aux catholiques que les libertés dont jouit la Belgique ont été inscrites dans la constitution, et l’acharnement qu’ils ont mis un moment à en revendiquer le bénéfice pour eux seuls ne doit pas le faire oublier. Sous le rapport des intérêts matériels, la part des administrations catholiques n’est pas moins belle. De 1830 à 1847, la Belgique a pu organiser dans son sein l’une des administrations les plus coûteuses de l’Europe ; elle a pu maintenir dix ans son armée sur le pied de guerre, consacrer 250 millions à des acquisitions et à des travaux dont la plupart sont restés long-temps improductifs ou le sont encore, ou le seront toujours, servir à ses dettes antérieures un intérêt de 14 millions, rembourser 16 millions sur l’emprunt forcé de 1831, traverser enfin dix-huit mois de famine, et clore cependant son compte courant de dix-sept années par un déficit minime[1], bien que, dans la même période, de nombreuses branches de l’impôt aient été supprimées, ou réduites, ou transformées, de façon à procurer aux contribuables un dégrèvement total de plus de 18 millions. Ce résultat suppose, dans les branches du revenu public qui correspondent au bien-être des particuliers, un accroissement énorme, dont M. Dechamp cite de nombreux exemples, et un parti sous la direction duquel se sont accomplies de pareilles choses peut porter haut la tête. Mais les libéraux ont bien aussi leur part d’honneur dans ces conquêtes matérielles. C’est, par exemple, au chef de ce parti, à M. Rogier, qu’est due la création du réseau des chemins de fer, que les catholiques, dans certaines vues d’isolement politique dont il est inutile de parler ici, voulaient restreindre à deux ou trois insignifians tronçons.

En somme, l’écrit de M. Dechamp, comme le titre l’indique d’ailleurs, est autant une apologie des catholiques qu’une avance aux libéraux. L’apologie peut être contestée en quelques points ; mais l’avance mérite à tous égards d’être bien accueillie.


V. de Mars.
  1. M. Dechamp veut même que ce compte se solde par un boni. Ce boni n’est qu’artificiel ; il provient de ceci, que plusieurs recettes accidentelles sont venues, dans les exercices précédens, se confondre avec les recettes ordinaires. La disparition de ces recettes accidentelles transforme, pour l’avenir du moins, en un déficit du reste très faible, le boni dont parle M. Dechamp.