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la quadruple coalition ? Contre qui et contre quoi armerait-on ? Ne sera-ce pas contre la paix elle-même[1] ? » Des suggestions analogues étaient faites à Londres à M. de Bourqueney, et dans le même moment lord Clanricarde communiquait à Saint-Pétersbourg, à M. de Nesselrode, un projet de convention imaginé par M. de Metternich et consenti par lord Palmerston. M. de Nesselrode adhérait à cette ouverture par une dépêche adressée à Londres au baron de Brunow. « La question d’Orient ainsi réglée, disait-il, reste maintenant à consacrer la solution par une transaction finale à laquelle concourrait la France. L’empereur serait disposé à admettre le plan proposé par lord Palmerston, et, si le gouvernement français se décidait à l’accepter, l’empereur vous autoriserait à y prendre part[2]. » Il est vrai que dans ses conversations avec l’ambassadeur de France M. de Nesselrode se montrait moins explicite. Ayant eu occasion d’interroger M. de Barante sur la durée des armemens militaires de la France, comme il avait reçu pour réponse que ces armemens, conséquence de sa situation isolée, ne pouvaient cesser qu’avec cette situation même, M. de Nesselrode reprit : « Ainsi vous attendrez que les puissances signent avec vous des stipulations relatives aux affaires d’Orient ? — Nous ne proposons rien, dit M. de Barante ; nous verrons si l’on nous fait quelque proposition. » M. de Nesselrode ne répondit rien. « Comme nous avions parlé de la possibilité de mon départ prochain, j’ai alors ajouté : « Et comme Pétersbourg est le lieu du monde où il serait le plus inutile de parler de cela, je puis très bien demander mon congé. » Cette parole plus directe n’a pas eu de réponse non plus[3]. »

À ces premières ouvertures, qui ne se produisaient encore que sous la forme de pourparlers, mais qui lui arrivaient de tant de côtés à la fois, que répondait le ministre qu’on a représenté comme si désireux de rentrer en grace avec l’Europe ? Prévoyant le cas où des propositions plus directes lui seraient adressées de Londres, et voulant bien établir à l’avance la position que, le cas échéant, le gouvernement français entendait prendre, il écrivait à M. de Bourqueney, le 18 décembre ; dans le sens suivant[4] : Le gouvernement du roi n’approuve, ni avant ni après l’événement, le mode employé par le traité du 15 juillet, ni le but que ce traité atteint. Il ne s’y est point opposé par la force, mais il ne saurait entrer en part dans aucune de ses conséquences. Toute la question pendante entre le sultan et le pacha lui est et lui doit être étrangère. Il ne

  1. Annexe d’une dépêche de M. de Sainte-Aulaire, 30 décembre 1840.
  2. Dépêche de lord Clanricarde à lord Palmerston, 22 décembre. — Dépêche de M. de Nesselrode au baron de Brunow, même date. Papiers parlementaires (correspondance sur le Levant), part. III, p. 112.
  3. Dépêche de M. de Barante à M. Guizot.
  4. Dépêche de M. Guizot à M. de Bourqueney, 18 novembre 1840.