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qui assistent à la diète ; elles peuvent faire de la musique la nuit tant qu’elles voudront, tant pis pour ceux qui ne dormiront pas : l’important est que les droits constitutionnels ne reçoivent point d’atteinte. »

Tous ces jeunes gens sont nobles, cela va sans dire ; leurs fonctions constituent une sorte de noviciat à la députation, et des orateurs célèbres ont souvent ainsi commencé. On comprend quelle influence exercent ces apprentis législateurs. Tel d’entre eux est compté pour beaucoup plus dans la diète que le député son patron, qui siége à titre officiel. On ne serait point dans le vrai si on ne tenait compte de cet élément irrégulier dans le tableau de la diète ; c’est un parterre qui se confond souvent avec les acteurs, et, comme le chœur antique, prend part aux événemens de la scène.

Après 1840, cependant, depuis que les constitutions écrites introduites dans plusieurs états de l’Europe ont donné aux esprits un certain besoin de logique et de symétrie politique, on s’est préoccupé des questions que nous venons de passer en revue ; on a voulu régler ces antiques et bizarres usages, on a cherché à donner à la diète une organisation plus conforme aux idées actuelles de droit et qui eût sa raison d’être, pour parler le langage de l’école, en dehors de sa propre existence. Si l’esprit d’examen et de critique s’attaquait une fois à ces institutions, elles avaient fait leur temps ; la ruine de l’une entraînait celle de l’autre ; tout se suit. Du moment qu’on voulait arriver à la précision des formes modernes, recenser les suffrages, et, au lieu de l’acclamation d’une assemblée passionnée, en arriver, comme le reste du monde, aux boules blanches et noires, force était bien de rechercher si chaque député avait une voix égale, si son suffrage valait celui de son voisin et se donnait au même titre. On ne peut additionner que des nombres identiques, et comment établir cette égalité de droits avec l’inégalité d’origine et d’influence ? Toucher au mode de voter, c’était remettre en question l’organisation de la diète et ébranler le système électoral concentré exclusivement dans la noblesse. La Hongrie avait été éminemment jusque-là un pays de coutumes : le temps, les événemens, le hasard, avaient tout fait. Si, au lieu de continuer à admettre purement et simplement ce qui était, on voulait rechercher ce qui devait être, la curiosité mènerait loin. Ce n’était pas un nouveau règlement qu’il fallait faire, mais une nouvelle constitution. Les contradictions et les impossibilités du vieux système apparaissaient de toutes parts ; il allait tomber en poussière, comme ces momies qu’on expose tout à coup à la clarté du jour.

Une question dont j’ai déjà parlé, celle d’un droit de péage à établir sur le pont de Pesth, vint mettre en lumière toutes ces difficultés. L’occasion était solennelle. L’adoption d’une taxe insignifiante, mais qui devait être payée par les nobles et les non nobles indistinctement, allait