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qu’au clergé, plus un certain nombre de journées de travail rachetables à des prix minimes. Il est vrai qu’il doit acquitter les contributions publiques, qui, malgré leur modicité, sont quelquefois pesantes, parce qu’il faut les payer en argent. Néanmoins il est évident que les charges qui lui sont propres sont compensées, et bien au-delà, par la portion double de celle du colon français qu’il retient dans le partage des récoltes. La preuve irrécusable des avantages du paysan hongrois sur nos colons partiaires, c’est que le premier vend souvent, et cher, son droit de tenancier, tandis que nos métayers, toujours pauvres, quittent leur métairie sans imaginer qu’ils puissent trafiquer de la situation qu’ils abandonnent, et qui suffisait à peine à la vie laborieuse et frugale de leur famille[1].

  1. Le paysan reçoit du propriétaire une certaine étendue de terrains labourables qu’on appelle session on tenante (sessio), dans laquelle n’est point compris un arpent destiné à la maison, aux granges, au jardin, et une quantité déterminée de prairies. L’étendue de chaque tenante est fixée d’après la fertilité des terrains. Les comitats sont divisés en trois classes d’après la nature du sol, et les terres de chaque comitat également en trois classes, ce qui donne neuf divisions. La plus grande tenante est de 38 arpens de terre labourable, la plus petite de 16, avec une étendue proportionnelle de prairies. L’arpent est, selon les comitats, de 11 à 13 cents toises carrées, et même, en Slavonie, de 2,000. — Sauf le cas de succession ou d’achat à l’encan, une famille de paysans ne peut posséder plus de quatre tenantes, et chaque tenante ne peut jamais être subdivisée au-dessous de quatre parts. Le paysan a de plus le droit de pâturage dans tous les terrains non encore cultivés ; il peut couper dans les forêts du seigneur tout le bois nécessaire au chauffage et à la charpente de sa maison. En retour, le paysan doit payer au seigneur le neuvième de toutes les récoltes, et au clergé catholique le dixième (que le paysan soit d’ailleurs protestant ou grec). Il faut remarquer que presque partout cette dîme cléricale, rachetée par le seigneur à d’assez bas prix, est perçue à son profit. Le cultivateur doit, en outre, 52 journées de travail avec un attelage de bœufs, ou 104 sans attelage ; 1 florin par an pour la maison. La moitié au moins des journées de corvée peut se racheter d’après un tarif qui varie de 45 à 25 centimes. Enfin, il doit aussi le Vorspann, c’est-à-dire qu’il est obligé de fournir ses chevaux aux employés et voyageurs munis d’une patente du gouvernement ; mais, malgré la modicité de la rétribution, il trouve plutôt dans cet usage un emploi utile pour ses chevaux. Les petites dîmes sur les produits de la basse-cour, le croît des agneaux, etc., ont été abolies. Quant au paysan non tenancier (inquilinus), c’est-à-dire qui n’a que sa maison et le clos attenant, il doit fournir au propriétaire de 12 à 18 journées simples. — C’est le paysan qui jusqu’à ce jour a seul acquitté en Hongrie les contributions publiques. Ces contributions sont peu de chose à côté de celles qui pèsent sur la plupart des autres états européens. L’impôt foncier, pour le royaume entier, ne s’élève qu’à 5 millions de florins (12,500,000 francs). Une somme un peu inférieure est versée dans la caisse des comitats (cassa domestica) ; c’est sur cette caisse que sont payés les traitemens, fort peu élevés d’ailleurs, des magistrats et employés, les dépenses des prisons, routes, etc. Nous avons déjà dit que chaque comitat s’administrait comme un état particulier. Cette contribution est d’ailleurs insuffisante, et de là le mauvais état des routes et des ponts, qui motivait les plaintes de Széchény. Voici le tableau des contributions du village hongrois de Pàty, dans le comitat de Pesth ; il peut donner une idée de l’ensemble des charges : 2,200 habitans, possédant 85 sessions, occupées par 200 familles (le reste est journalier ou locataire), paient au trésor royal 3,327 fr, et à la caisse du comitat 2,955 fr. ; ensemble 6,282 francs (2,513 florins).