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1817, 847,000 patentés ; en 1840, on en comptait 1,416,600. Enfin, pour résumer dans leur conséquence la plus importante et la plus significative ces améliorations incontestables de la condition du peuple, il suffit de consulter les tables de mortalité. En 1780, la vie moyenne des Français était inférieure à vingt-huit ans et demi ; elle surpasse aujourd’hui quarante ans, et les progrès économiques de deux tiers de siècle ont ajouté parmi nous plus de onze années à la vie humaine.

Donc le socialisme révolutionnaire est convaincu de mensonge, lorsqu’il accuse notre constitution économique d’opposer des entraves au mouvement ascensionnel des travailleurs et de les précipiter plus profondément dans l’abîme de la misère. Donc M. Louis Blanc ne faisait qu’une fanfaronnade pitoyable, lorsqu’il se vantait de prouver que « la concurrence aboutit à un accroissement démesuré des forces de la production et à une décroissance correspondante des moyens de consommation. » Certes, il est difficile d’étouffer en soi un mouvement d’indignation et de mépris quand on songe que ceux qui accusent avec une pareille audace notre constitution économique d’avilir et d’affamer l’ouvrier sont les mêmes hommes qui, plus funestes qu’une épidémie ou qu’une famine, sont venus, cette année, suspendre le cours, depuis vingt ans ininterrompu, des progrès populaires, qui, par leurs sinistres menaces contre la société, ont arrêté le travail, condamné le peuple à diminuer ses consommations, jeté tous les travailleurs dans l’indigence, et réduit des milliers de prolétaires à la mendicité légale, déguisée sous le nom d’assistance. Et pourtant les faits que nous avons rappelés ne contiennent pas seulement la condamnation de quelques sophistes, il faut en tirer une conclusion plus élevée. Ils démontrent qu’au lieu de désespérer le peuple, notre régime économique doit encourager sa patience, son espoir, ses aspirations. Sans doute, nous n’opposons point au pessimisme absolu des socialistes un optimisme également insensé ; nous ne prétendons pas que la situation actuelle épargne à la majorité des hommes et des souffrances générales et des douleurs privées ; nous nous bornons à constater une seule chose : c’est que, dans notre constitution économique, le peuple en masse tend au bien-être par une pente assurée. Ah ! si l’histoire des cinquante dernières années disait le contraire, si les consommations du peuple et la vie moyenne avaient baissé depuis lors au lieu de monter, si, en un mot, les critiques dirigées par les socialistes et les révolutionnaires contre notre société n’étaient pas des calomnies effrontées, nous comprendrions que l’on vînt prêcher au peuple la croisade révolutionnaire et sociale, et qu’on voulût pousser l’humanité dans des voies nouvelles et dans les aventures de l’inconnu. Mais, puisque les faits donnent un démenti constant à cette supposition, ils proclament avec leur autorité infaillible que nous sommes sur la bonne route, que nous devons nous y avancer avec des efforts et un élan toujours croissans, et que ceux