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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/116

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qu’ont gravés sur le rocher d’Abousir les voyageurs de tous les pays. J’eus le plaisir d’y trouver le nom d’un ami ; de M. Lenormant, compagnon de Champollion, et, qui m’a précédé dans le voyage d’Égypte comme dans les études hiéroglyphiques. Ce nom, me rappelait doublement la patrie ; il me représentait, au milieu de la Nubie, les deux mondes entre lesquels ma vie parisienne se partage, le monde des sciences et le monde de l’amitié, l’Académie des Inscriptions et l’Abbaye-aux-Bois. Il fallait, avant de partir, boire à la cataracte. Je m’avançai de pierre en pierre jusqu’à ce que, me penchant, je pusse me désaltérer au courant le plus rapide. En quittant cette posture assez gênante, je me trouvai tout naturellement à genoux ; je ne me relevai qu’après y être resté quelques momens, remerciant Dieu de m’avoir conduit jusque-là et lui demandant avec confiance de me ramener auprès de mes amis.

Il y eut aussi des réflexions douloureuses parmi ces pensées d’espoir, et des souvenirs tristes et sacrés qui se mêlèrent à ces perspectives de retour ! Je crus que c’était piété de les exprimer. Cette considération me fera pardonner par les lecteurs qui ont bien voulu me suivre dans mes courses, et dont je vais me séparer bientôt, les derniers vers dont je les importunerai.

Je touche au but du long pèlerinage ;
De mon retour c’est le commencement,
Et je me sens, au terme du voyage,
Bien loin, plus près, dans le même moment.

Je me sens loin, car grande est la distance
Entre ces bords et tout ce qui m’est cher ;
Mais à présent je marche vers la France,
Et chaque jour viendra m’en rapprocher.

Quand d’Abousir je gravis la colline
Qui montre à l’œil un si vaste horizon,
Et sur le Nil pend comme une ruine,
Là d’un ami je retrouvai le nom.

Soudain j’ai cru retrouver ceux que j’aime,
Ceux que le ciel m’a laissés ici-bas ;
Pour un instant, j’ai cru retrouver même
Ceux qu’au retour je ne reverrai pas.

Il me semblait que ma famille entière
Vivait ailleurs que dans mon souvenir ;
Il me semblait que vers toi, pauvre père,
Comme autrefois, je devais revenir.

Ainsi de loin on rêve la présence
De qui ne peut être à nos vœux rendu.