rir. Sa poitrine se gonfla, et il secoua la tête ; mais, ses yeux s’étant portés sur le crucifix qu’on lui présentait, ses traits reprirent promptement leur expression calme et grave. Le 3 septembre, le Tyrol perdit son héros ; sa mort fut une tache pour le gouvernement qui tira de lui cette vengeance cruelle, la honte de la nation qui l’abandonna et du peuple parmi lequel on trouva un traître pour le livrer.
Le Tyrol passa dès-lors, par le traité de Vienne, à la France, qui l’incorpora à la Lombardie ou au royaume d’Italie, sous le nom de département du Haut-Adige. En 1815, l’Autriche essaya de nouveau d’attirer à elle les Tyroliens par les vieilles promesses d’indépendance, d’abolition des impôts, de formation d’un état séparé. Elle ne réussit pas ; mais elle pouvait se passer de réussir. Le congrès de Vienne et la paix de Paris lui donnèrent le Tyrol, ainsi que tout le nord de l’Italie. On comprit désormais sous le même nom les vallées italiennes des Alpes, la principauté de Trente et les pays allemands qui s’étendent entre les Alpes et la Styrie. On donna seulement le nom de Tyrol italien aux vallées méridionales, pour les distinguer des vallées septentrionales. Quant aux impôts, le système appliqué au royaume lombardo-vénitien devint celui du Tyrol italien. Ce système, déjà fort lourd pour la Lombardie, était complètement ruineux pour un pays agreste, dont la population est peu nombreuse et l’industrie nulle. L’agriculture, qui est la seule ressource de ces vallées, y est entravée par la nature même du sol ; les terres du Tyrol ne rendent guère que 2 pour 100. On comprend quelle misère dut résulter de cette assimilation tentée par le fisc autrichien entre le Tyrol et la Lombardie.
Tout concourait d’ailleurs à entraver une tentative de fusion également condamnée par l’histoire et par la nature. J’ai dit que, sur toute la ligne des Alpes, le versant méridional appartient à l’Italie, et le versant septentrional à l’Allemagne. J’ajouterai que les deux langues, rapprochées sur cette étroite limite, ne se sont jamais confondues. Point de dialecte italo-germain sur les cimes ou dans le sein de nos Alpes ; l’italien est parlé sur le versant méridional, l’allemand sur le versant septentrional. Le rapprochement ne s’est pas opéré mieux entre les caractères qu’entre les langues. Le Tyrolien italien est le plus intelligent et le plus fin des montagnards, le Tyrolien allemand le plus grossier et le plus simple. Brun, svelte, les traits saillans et aigus, les yeux enfoncés, le nez aquilin, les lèvres minces, le menton en avant, le front carré, tel est l’habitant des vallées alpestres italiennes ; blond, lourd, le visage long, les lèvres épaisses, le menton fuyant, la taille puissante et élevée, mais sans élégance, tel est l’habitant du versant opposé.
Les intérêts mêmes des deux populations sont tout-à-fait différens. Quoique peu nombreuse, la population du Tyrol italien ne récolte pas de quoi se nourrir pendant la moitié de l’année. Le peuple des cam-