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où deux hommes seuls peuvent passer de front, et où le feu des bandes abritées derrière les rochers la menacerait d’une complète destruction. Et, en supposant même que des troupes régulières aient franchi ces passages redoutables, comment des hommes, lourdement équipés, ignorant les détours des vallées tyroliennes, pourraient-ils poursuivre dans les gorges et sur les pentes des Alpes des montagnards agiles et légèrement armés, connaissant chaque sentier, chaque retraite de ce pays sauvage, et pouvant entraîner dans mille embuscades les soldats surpris ?

Tel est le pays où pendant quelques mois les armées autrichiennes et les volontaires italiens se sont trouvés en présence. On a peine à comprendre comment là aussi, sur un terrain si bien préparé par la nature, ont échoué les courageux efforts des soldats de l’indépendance italienne. Il a fallu, pour annuler tant d’avantages assurés à nos troupes par la configuration du Tyrol italien, il a fallu un enchaînement de fautes bien graves, une impéritie, une imprévoyance bien coupables. C’est cette triste série de mécomptes et de revers qu’il me reste à raconter.


II.

Les habitans des vallées tyroliennes comprenaient bien tout l’avantage de leur situation et se promettaient d’en tirer parti avec le concours des corps francs lombardo-vénitiens. Ils avaient raison de compter sur l’appui des Italiens, car sans la possession du Tyrol, le succès de la guerre de l’indépendance était compromis. Le Tyrol italien faisant cause commune avec l’Italie contre l’Autriche, l’armée autrichienne ne pouvait plus recevoir ni renforts, ni munitions, ni secours d’aucun genre. La retraite même lui était coupée, et l’on sait le découragement qu’éprouvent, en pareille occasion, les meilleurs soldats. Si au contraire le Tyrol italien appartenait à l’Autriche, l’Italie perdait son meilleur rempart. Le Lombardo-Vénitien demeurait constamment ouvert à l’ennemi ; les belles et riches villes qui, de Milan jusqu’à Venise, s’élèvent au pied des montagnes tyroliennes étaient placées nuit et jour sous le coup d’une surprise. À quoi servirait-il de battre et de mettre en déroute les troupes autrichiennes, si à quelques pas du champ de bataille elles possédaient un abri inattaquable, où elles pussent se retirer pour se rallier et se réorganiser à loisir, si l’Allemagne entière était libre de verser sur les plaines lombardes ses soldats et ses canons ? À quoi bon chasser l’ennemi si les clés de notre pays demeuraient entre ses mains, et s’il pouvait y rentrer selon son plaisir ?

Ce fut sous l’empire de ce sentiment que les Tyroliens s’insurgèrent. Ces vallées et ces montagnes ne sont guère peuplées que de paysans vivant dans des villages ou des fermes isolées. La noblesse, très peu