Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Si j’ai insisté sur cette triste histoire de l’armée des volontaires du Tyrol, c’est que jamais on ne l’a présentée sous son véritable jour. Les reproches les plus contradictoires ont été prodigués à ces jeunes soldats : on les a tour à tour taxés de lâcheté et de témérité, d’indiscipline et de mollesse ; ce qu’il y a de vrai, c’est que leur patience a été soumise aux plus pénibles épreuves, et que, s’ils ont péché par l’inexpérience des devoirs militaires, il n’a pas tenu à eux de faire moins suspecter leur courage en se mesurant plus souvent avec l’ennemi. On se tromperait toutefois si on résumait toute l’histoire de l’insurrection du Tyrol dans les mouvemens des corps de volontaires. D’autres bandes, composées de montagnards indigènes, s’étaient maintenues après l’ordre qui avait éloigné de la frontière les colonnes du général Allemandi. Les désastres du mois d’août ont été là, comme ailleurs, le dénoûment de la guerre. Les incidens de cette lutte soutenue dans les montagnes et au cœur même du Tyrol, ont été ignorés jusqu’à ce jour. Il nous a été donné de les connaître, et c’est de la bouche même du principal acteur de ces événemens que nous en tenons le récit.

Des bandes de volontaires indigènes occupaient plusieurs vallées tyroliennes au moment du départ des colonnes lombardes. Ces bandes étaient commandées par des membres de cette classe moyenne dont nous avons signalé l’influence dans le Tyrol. Des avocats, des médecins, tels étaient les hommes qui partageaient avec les montagnards les rudes fatigues de la vie du guerillero. Le formidable défilé du Tonale, qui termine la Vallée du Soleil du côté du territoire de Bergame, était occupé depuis le mois de mai par les docteurs Taddei et Martinoli avec quatre cents hommes. Ce fut à cette petite troupe que revint l’honneur de livrer les derniers combats dont les montagnes du Tyrol furent le théâtre en 1848. La physionomie des chefs n’était pas moins étrange que celle des soldats. Rien, par exemple, ne révélait chez le docteur Martinoli le partisan appelé à diriger une guerre de montagnes à travers mille fatigues et mille dangers. Dans cet homme calme et grave, qui ne quittait jamais ses lunettes, et dont les cheveux grisonnaient sur un front ridé par l’étude, personne assurément n’eût deviné à première vue un intrépide guerillero. La vie de M. Martinoli, avant les événemens si inattendus de 1848, avait été consacrée tout entière à la science. Après avoir exercé la médecine à Vienne avec un grand succès, il était revenu, dans son pays natal, jouir paisiblement d’une fortune considérable. C’est au milieu de ces loisirs achetés par une vie laborieuse que la révolution tyrolienne était venue le surprendre et lui imposer des devoirs dont il avait promptement saisi toute la portée.

Le caractère étrange du pays et des hommes se retrouve dans tous