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fleurir ? Sans diminuer la popularité des études savantes, pourra-t-on faire en sorte que l’éducation secondaire n’ait pas pour résultats d’encombrer toutes les voies de demi-savans qui, par malheur, ont une ambition tout entière ? L’éducation primaire formera-t-elle les citoyens à l’usage libre et sensé de leurs droits politiques, ou fera-t-elle toujours des élèves qui vont achever leurs classes dans les écoles révolutionnaires ? Que de questions qui touchent au fond même de la société, et qu’on ne peut négliger sans périr ! Joignez-y la lutte constante contre les mille formes du Protée socialiste, et qui est-ce qui pourrait dire encore qu’il n’y a pas place aujourd’hui à des études raisonnées et pourtant utiles et pressantes ?

Et puis les institutions elles-mêmes ne sont pas tout : les hommes, les partis politiques qui s’en servent sont plus encore. Leur division imprudente a perdu les meilleures institutions, leur union raisonnée vient de nous sauver, depuis un an, des plus mauvaises. Maintenir à tout prix cette union en rappelant à chaque instant les soldats qui s’écartent et en se portant sur le flanc des corps d’armée qui devient, c’est ce que la critique peut se proposer avec fruit. Il faut à tout prix faire justice de nos funestes dissentimens. Tout nous y aide, la grandeur du péril présent, l’obscurité du but à venir. Je ne parle pas seulement de ces querelles faites à la main, qui soulevaient tant de nuages l’an dernier, avant que le grand tourbillon s’élevât. L’histoire s’en rira quelque jour : elle rira et de ceux qu’épouvantait la réforme électorale à la veille du suffrage universel, et de ceux qui, talonnés par la république, avaient l’imagination hantée par le gouvernement personnel ; et nous, ne rions-nous pas déjà un peu de nous-mêmes ? Mais, s’il restait aujourd’hui dans les cœurs la moindre trace de tels débats, le ridicule ferait place à un jugement plus sévère. Je ne parle pas non plus des vanités et des ambitions personnelles qui pourtant ont fait tant de mal. Il semble que le grand élargissement du théâtre politique soit un bon correctif à cet égard, et qu’il y ait quelque chose de souverain pour tenir chacun à sa place, à se sentir seulement la sept ou huit millionième partie d’un grand tout. Si les personnes prétendaient cependant encore se faire compter pour quelque chose, ce serait le cas alors pour une critique, d’ordinaire impartiale et polie, de se montrer impitoyablement railleuse ; mais il est malheureusement dans le parti de l’ordre de plus profondes divisions, et ce qu’il y a de triste, c’est qu’elles se rattachent souvent à des principes élevés. Il en est qui mettent avant tout le respect des traditions du passé et la fidélité à ses souvenirs ; d’autres font dater de 89 une ère nouvelle qui a relâché d’antiques liens ; pour les uns, la religion catholique, avec ses fortes et consolantes doctrines, peut seule servir de règle à notre société flottante ; d’autres se reportent avec plus de complaisance aux idées de justice sociale et de liberté