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grossières. Il sera toujours très difficile d’y substituer la loi de renoncement et de lutte contre les instincts grossiers qui forme la base de notre société. La polygamie, par exemple, et l’esclavage sont deux institutions qu’on aura beaucoup de peine à détruire en Afrique.

Le climat est tel que les Africains ont peu de besoins à satisfaire, et par conséquent peu de stimulans à l’industrie. Les vêtemens sont un luxe, la plupart du temps incommode, dans un pays où la chaleur est intense. La frugalité est naturelle dans les régions intertropicales. Les estomacs s’y contentent de peu. Quelques galettes de riz ou de maïs suffisent à un indigène robuste. L’abri le plus léger et le plus précaire est tout ce qu’il faut à des êtres qui vivent dans une atmosphère étouffante.

Le caractère des Africains a son côté séducteur. Comme nous l’avons déjà dit, la race noire est douce, sociable, capable de fidélité et de dévouement : c’est du moins sous cet aspect qu’elle s’est montrée à l’Europe ; mais elle ne se distingue pas certainement, comme la race des hommes du Nord, par l’activité dévorante. Quoique les Africains ne voient pas précisément dans le loisir un attribut de l’homme et le signe distinctif de la dignité du sexe masculin, cependant il ne faut pas oublier que, dans un pays où l’esclavage existe, le travail est nécessairement regardé comme indiquant une certaine infériorité.

La civilisation européenne, qui n’a jamais jeté de profondes racines en Afrique, y a été introduite par la traite et par les missions. La traite, que nous n’avons pas besoin de qualifier ici, a eu pour résultat Saint-Domingue, Libéria, Sierra-Leone, etc. ; elle a produit des populations dévoyées, pratiquant mal des institutions qui ne leur sont pas sympathiques. Les missions n’ont pu fonder rien de stable en Afrique. Certes, si jamais efforts ont mérité le succès, ce sont ceux des infatigables prêtres qui ont porté au Congo les préceptes et les exemples de la vie chrétienne. Avec la semence de la parole divine, ces hommes zélés avaient répandu, dans ce pays les germes de toutes les connaissances européennes. Après les avoir vainement cultivés pendant de longues années, ils ont été obligés d’abandonner ce travail stérile. Aujourd’hui, il ne reste de leur passage d’autre trace que les ruines de quelques églises. Ainsi d’habiles jardiniers avaient essayé sur les bords du Sénégal, d’acclimater, il y a quelques années, les plantes greffées de l’Europe et de former des pépinières. Allez aujourd’hui visiter ces jardins : partout la végétation vigoureuse que le terrain produit spontanément a étouffé les plantes exotiques. Il ne reste plus aucun vestige des défrichemens. N’a-t-on pas mille exemples d’Africains transportés, dès leur enfance, dans un centre de civilisation européenne, élevés avec les plus grands soins, formés à nos usages, initiés