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soient blancs, et que les hommes à peau jaune ou rouge ne soient ni blancs ni noirs.

Après tout, de ce que notre civilisation ne serait pas précisément celle qui conviendrait à la race noire, faudrait-il en conclure que les éternelles vérités, les lois immuables du juste et de l’injuste, les principes fondamentaux sur lesquels doit reposer toute société, ne sont pas applicables à l’Afrique ? Loin de nous une telle pensée. Il n’y a pas de pays où l’anarchie soit une bonne chose, où la violence soit de droit, où l’oppression soit juste. L’Afrique, qui est livrée à l’anarchie, à la violence et à l’oppression, a besoin, avant tout, d’ordre intérieur, de lois protectrices, de gouvernemens forts et organisateurs. Nous pouvons contribuer à ce qu’elle obtienne ces bienfaits, surtout par la suppression de la traite des noirs. Si la traite a placé au sein de la civilisation les Africains transportés hors de leur pays, elle a fomenté, en Afrique même, la discorde et les guerres qui sont des obstacles à toute civilisation. Avec la traite, il ne peut y avoir sur ce continent ni sécurité personnelle, ni ordre public, ni progrès sérieux d’aucun genre. Il faut donc supprimer la traite par respect pour nous-mêmes et par devoir envers les populations noires. Les gouvernemens de l’Espagne et du Brésil comprendront sans doute la nécessité de prendre à cet égard des mesurés efficaces. La traite supprimée, un ferment bien puissant de désordres intérieurs aura disparu. Souhaitons qu’alors l’Afrique produise un homme, une nature d’élite, un génie qui, faisant pour elle ce que Charlemagne a fait pour une partie de l’Europe, y implante, par la conquête où autrement, les germes impérissables d’une civilisation appropriée au pays.


PAUL MERRUAU.