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de l’état, que l’influence des idées et des mœurs, lui viennent en aide, il enfantera des prodiges. Et quand il sera visible, non par des mots sonores et de vaines promesses, mais par des gages sérieux, que l’objet fondamental du gouvernement comme de toute la société, c’est l’amélioration physique et morale des classes populaires, elles aimeront cette société, et la voix des sophistes et des agitateurs perdra beaucoup de son influence. La révolution française, en centuplant et au-delà le nombre de propriétaires du sol, a créé d’avance au socialisme des millions de robustes adversaires. Suivons cette impulsion généreuse. Rendons le capital, et j’entends le capital intellectuel comme le capital matériel, rendons le capital de plus en plus accessible aux classes industrielles, comme la révolution a fait la propriété de plus en plus ouverte aux classes agricoles, et la guerre à la propriété et au capital finira.


Je me tourne maintenant vers ceux qui se persuadent que le socialisme est un développement nécessaire et légitime de l’esprit philosophique et révolutionnaire, et qui ne veulent lui opposer d’autre digue que le catholicisme. Avant de les combattre, je commencerai par une déclaration qui n’est pas une précaution oratoire ou une combinaison stratégique, mais l’expression loyale d’une conviction que les vicissitudes de la polémique et la tyrannie de l’esprit de parti ne front pas fléchir. Mon opinion, déjà vieille et mûrie par l’expérience, est que le christianisme, qui a tant fait pour fonder et améliorer la société moderne, est appelé aujourd’hui, autant et plus que jamais, à la consolider et à la défendre.

Ce n’est donc pas moi qui contesterai que le christianisme ne soit pour le monde moderne une force bienfaisante et nécessaire ; mais la question est de savoir s’il y a contradiction entre l’esprit du christianisme et l’esprit de la révolution. Cette contradiction existerait, si la révolution et la philosophie étaient le principe du socialisme contemporain ; mais, en vérité, c’est faire beaucoup d’honneur au socialisme que d’identifier sa cause à celle de la philosophie et de la révolution. Cela est-il bien sérieux ? Si nous consultons l’histoire, elle nous dira que le socialisme est sorti tout aussi bien de la religion chrétienne que de telle ou telle philosophie. Le socialisme revêt mille formes : tantôt il se présente comme une école d’économie politique, tantôt comme une secte religieuse ; autrefois, du temps des gnostiques ou du temps des anabaptistes, il invoquait l’Évangile ; aujourd’hui il essaie de s’appuyer sur la tradition philosophique et révolutionnaire.

On conçoit de sa part cette prétention ; mais qu’elle se rencontre dans la bouche de ses adversaires, c’est un étrange aveuglement. Quels principes défendons-nous contre le socialisme ? Deux surtout, la liberté, la propriété. Or, qui a établi ces deux principes dans le monde, sinon la