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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/391

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et, les débris de venaison qu’il trouve près des tisons ne lui suffisant pas, il marche résolûment vers les chasseurs, qui se tiennent à distance. Le compagnon de M. Coulter n’a exécuté son mouvement de retraite que pour ne pas trop humilier l’Anglais, qui a fui le premier ; mais M. Coulter, en présence du danger, a retrouvé tout son courage. — Je tire le premier coup, dit le chasseur américain. La bête monstrueuse est atteinte quelque part à la tête, car elle secoue, avec un hurlement qui fait retentir les bois, le sang qui coule de sa blessure. Le docteur se frotte les mains, espérant voir tomber l’ennemi frappé. — Eh bien ! qu’attendez-vous donc pour tirer à votre tour ? dit le chasseur ; allons, la main ferme ! Le docteur met un genou en terre pour viser plus sûrement. L’Américain hausse les épaules, car la balle de son compagnon n’atteint que le corps. Le feu continue, les deux chasseurs se relèvent, et, tandis que l’un charge, l’autre tire. Ils parcourent ainsi à peu près un mille, et l’ours, criblé de balles, se traîne toujours devant eux. Enfin il pousse un dernier hurlement et tombe sous la quinzième balle. Un coup de tomahawk met fin à son agonie. — C’est mon opinion, ours gris, dit le chasseur canadien en lui brisant le crâne, que tu es le plus dur et le plus gros jouteur de ton espèce que j’aie jamais visé.

Le moment est venu cependant de dire adieu aux forêts, aux savanes et à leurs hôtes de toute espèce. L’époque approche où le docteur doit rejoindre à Tahiti le capitaine du Stratford. Nous n’avons plus à suivre M. Coulter que dans la dernière partie de son odyssée, c’est-à-dire, pour ne nommer que les points dignes d’attention, d’abord aux îles Kingsmill, puis à la Nouvelle-Guinée.


II. — LA NOUVELLE-GUINÉE.

De San-Francisco en Californie jusqu’aux îles de Kingsmill (1° 25’ latitude sud et 174° 50’ longitude est), la traversée n’offre rien d’intéressant. Les principales îles du groupe des Kingsmill, les îles de Taratarii, Mankii, la Nouvelle-Irlande, sont successivement visitées par le brick le Hound, sur lequel M. Coulter a pris passage pour se rendre à Tahiti. Une rencontre curieuse marque la descente du brick à l’île de New-Britain. Un nouveau Robinson, digne frère du misanthrope de l’île des Cocos, habite cette île, et le docteur nous apprend son histoire, un de ces longs récits semés d’aventures comme il doit s’en raconter beaucoup dans les veillées des matelots anglais. James Selwin (c’est le nom de habitant de New-Britain) a eu le malheur de s’embarquer sur un de ces navires qu’une fatalité étrange semble poursuivre dans toutes leurs campagnes. Pendant une longue croisière dans les mers de l’Océanie, le brick le Thomas n’a rencontré sur son passage que des parages