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des nids d’oiseaux, les huttes des Horaforas sont bâties sur les branches des arbres. Au pied du tronc le plus gigantesque, Connel s’arrête et dit à ses compagnons : « Vous êtes chez moi. » Puis il fait entendre un sifflement aigu, d’autres sifflemens répondent au sien, et bientôt des torches enflammées s’agitent au sommet de chaque arbre, formant au milieu du bois une magnifique illumination. Les six Anglais sont, d’après l’ordre du chef, installés dans deux maisons dont on déloge à cet effet les habitans, et, après un repas abondant, le chef irlandais laisse discrètement ses hôtes goûter le sommeil dont ils ont besoin.

Le lendemain, dès le point du jour, le docteur quitte son nid pour visiter, avec Connel et le capitaine Trainer, ce singulier village. Sur un des bords du plateau qui couronne la colline s’élèvent les huttes des Horaforas. Un groupe de guerriers ornés de leurs peintures de combat semble engagé dans une conversation animée. À l’approche du chef qui s’avance avec ses hôtes, le cercle s’ouvre respectueusement et laisse voir le cadavre d’un guerrier étranger, comme l’indiquent ses peintures blanches, à la tribu de Connel. Son corps, percé de quatre flèches, est attaché le long d’une grande perche qui a servi à le transporter, et qui ne représente pas mal une énorme brochette. Après avoir questionné les hommes qui entourent ce cadavre, Connel apprend à ses nouveaux amis que le guerrier mort est un éclaireur ennemi qu’on vient de tuer. Il engage en même temps les Anglais à s’éloigner, pour ne pas être témoins d’un horrible spectacle. Ce corps attaché à une broche et un brasier qu’on allume ne disent que trop de quoi il s’agit. Les Européens se retirent en frémissant, et Connel est forcé de convenir qu’il tolère parmi ses sujets l’usage de l’anthropophagie pour ne jas compromettre son autorité souveraine.

Cette indulgence de Connel pour une pratique aussi révoltante n’est pas faite pour rassurer beaucoup les Anglais sur les bonnes intentions de leur hôte. La position d’ailleurs devient très critique. Les éclaireurs de Connel annoncent qu’un formidable parti ennemi bat la campagne dans l’espoir de faire main basse sur les blancs quand ils quitteront le village de leurs amis. Le capitaine parle de regagner son bord, mais Connel ne tarde pas à le convaincre que son intérêt bien entendu est de rester avec sa petite troupe dans le village des Horaforas. Du haut d’un arbre d’où l’on découvre la campagne, il montre aux Anglais le camp ennemi. Des radeaux de bambous peuvent en quelques minutes transporter les Papuas d’un bord de la rivière à l’autre, et à l’entrée du Village des Horaforas. Il faut se résigner : entre des amis douteux et des ennemis déclarés on ne saurait long-temps hésiter. Les Anglais se décident à rester avec les Horaforas, tout en faisant sur le danger qui les menace des deux parts d’assez pénibles réflexions.

Pour dissiper la mélancolie qui s’est emparée de ses hôtes, Connel