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modérée de Paris succombait sous le nombre des journaux démagogiques et révolutionnaires, la presse départementale a dignement satisfait aux exigences de sa position. Pour apprécier tout ce qu’elle a déployé d’énergie et de bon sens dans ces jours d’orage, il faudrait relire ces feuilles brûlantes où elle stigmatisait de sa plume impitoyable les agens de M. Sobrier et de M. Ledru-Rollin ; il faudrait se rappeler avec quelle audace elle dénonçait chaque jour à l’indignation des honnêtes gens les complots qui s’ourdissaient à Paris, tantôt sous la protection même du gouvernement provisoire, tantôt sous celle de quelques-uns de ses membres en complicité avec les chefs des clubs ; il faudrait reproduire ses virulentes protestations contre les proclamations du ministre de l’intérieur de cette époque, et les menaces qu’elle lui renvoyait en échange de ses impérieuses objurgations. L’auteur du Bulletin n° 16 doit avoir conservé ces souvenirs, quoique la multiplicité et la grandeur des événemens les aient depuis lors à moitié effacés de nos esprits. La presse départementale, dans ce combat contre la révolution, a conquis des titres à la reconnaissance de la France. Elle a montré la force dont elle dispose, l’intelligence politique dont elle est douée, et l’intrépidité qui l’anime pour le service de ses convictions. En tête de ces journaux qui ont si vaillamment défendu la cause de l’ordre, il faut citer le Courrier de la Gironde et le Mémorial bordelais, le Courrier de la Somme, le Courrier de Marseille, le Courrier et la Gazette de Lyon, l’Impartial de Rouen, l’Indépendant de Toulouse, la Gazette du Languedoc et la Guienne. Actuellement ce sont des centres d’action fortement constitués sur différens points du territoire ; quel que soit le pouvoir qui gouverne la France, il devra compter avec eux.


II

Telle était la situation de la province, lorsqu’eurent lieu les élections générales. Cette première épreuve du suffrage universel émut profondément le pays. Tandis que le gouvernement provisoire semblait la redouter, les départemens l’appelaient de tous leurs vœux et y attachaient leurs espérances. Ces dispositions en sens contraire étaient si vives, que l’ajournement de la convocation des collèges électoraux, différée de quelques jours seulement, fut sur le point d’amener un conflit.

Quels sentimens prévalurent dans cette première manifestation du pays ? L’idée qu’il fallait élire des hommes nouveaux fut généralement admise. La France se croyait assez riche en capacités, en intelligences, en caractères, pour pouvoir se donner la satisfaction de renouveler tout son personnel politique. Il y avait d’ailleurs dans chaque localité des personnes qui, depuis bien des années, s’étaient fait remarquer par leur opposition dans les conseils municipaux, les conseils-généraux ou