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vieilles, afin de lancer cette jeunesse intolérante contre la chaire de M. Lerminier ; on l’exaspérait en attaquant par de détestables insinuations l’homme lui-même, et non plus seulement le professeur qu’elle avait devant elle. « L’homme écrit M. Lerminier, qui donne aujourd’hui sa démission, va maintenant répond aux calomnies dont on a voulu ternir son honneur. » Il n’y a pas d’acharnement qui ne doive s’arrêter devant ce suprême combat : c’est le jugement de Dieu.

L’émeute s’était enfin préparé des soldats plus redoutables que des écoliers ; sans discipline, et l’on a pu voir si le ministère se pressait trop de s’alarmer s’il avait tort de multiplier les mesures sévères et protectrices. Les gardes mobiles, mécontens de l’arrêté qui réduisait leurs bataillons à des proportions moins anormales et moins dispendieuses ; les vainqueurs de juin, oubliant leurs services et la reconnaissance du pays, pactisaient secrètement avec les éternels ennemis de la paix publique, et ceux-ci, de leur côté, oubliaient leurs sanglans griefs pour convier à la fraternité de la révolte les hommes qu’ils avaient appelés des bouchers et des bourreaux. Les officiers, plus particulièrement atteints par la réforme du corps, soulevaient leurs soldats, communiquaient avec les clubs, siégeaient au conseil de certains journaux, et qui sait ? avaient peut-être l’honneur de rendre leurs devoirs aux grands citoyens qui arrangent de haut ces sortes de choses sans y toucher jamais. Le sang-froid du général Changarnier dans la journée de dimanche, l’immense déploiement de troupes dans la journée de lundi, ont fait avorter ces tentatives criminelles. De nombreuses arrestations ont eu lieu, la justice instruit ; mais la montagne, qui est en humeur de plaisanter selon le goût dans lequel elle plaisante, a lancé une proposition d’enquête pour prouver que c’est le ministère qui a conspiré contre l’assemblée. L’enquête ira de pair avec la mise en accusation. Voilà comment il est arrivé que nous avons eu encore cette journée de transes et d’émoi, au bruit des tambours, au feu des bivouacs au milieu des chevaux, des canons et des caissons. La montagne s’en plaint ; elle devrait au contraire remercie eux qui ont mieux aimé prévenir que de réprimer. M. Marrast n’est pas si farouche ; il s’est réveillé le matin en face de tout cet appareil guerrier, et, surpris d’abord, il a pardonné la surprise, quand il a su qu’on la lui avait épargnée durant la nuit pour ne pas troubler son sommeil. » M. Marrast était à ravir et presque à peindre, lorsqu’il prenait ainsi la peine d’informer l’assemblée nationale qu’il avait bien dormi.

Soyons justes pour tout le monde : M. Louis Bonaparte a soutenu son ministère avec une loyale énergie. Lundi matin paraissait dans le Moniteur une note officielle qui garantissait au cabinet décrété d’accusation par M. Ledru-Rollin « l’appui ferme et persévérant » du président de la république, et le président était à cheval au front des troupes à l’heure où l’on attendait la crise. C’était peut-être l’heure où M. Jules Favre épuisait les habiletés de sa parole pour vanter sa fidélité napoléonienne ; mais il est permis de croire que le temps est passé de cette tactique qui a voulu séparer le président de son ministère, en intercalant à titre d’amis, entre les deux, les hommes d’état qu’on sait bien. Cette tactique, malheureusement trop voyante, a pourtant encore jeté son dernier feu dans le scrutin d’où nous est né le vice-président de la république, l’honorable M. Boulay de la Meurthe. Le vice-président siége à la tête du conseil d’état la constitution et la loi organique le disent, car à propos nous avons déjà bâclé la loi du conseil d’état ; ç’a été l’affaire d’une demi-douzaine de séances, et quelles