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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/512

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d’au moins 5 millions, sur les projets adoptés par la monarchie constitutionnelle, avec un accroissement réel de la puissance du port de Dunkerque, L’état des finances de la république donne à des propositions de cette nature un caractère particulier d’opportunité, et rien n’est assurément moins pressé que d’offrir aux Anglais le spectacle d’un demi-retour de la France à l’exécution de l’article 9 du traité d’Utrecht. La campagne de 1848 est finie, et le temps qui doit s’écouler avant l’ouverture de celle de 1849 est plus que suffisant pour l’adoption de résolutions plus conformes à l’intérêt général. On me pardonnera de ne pas attendre qu’il soit trop tard pour le dire.

Du cap Blancnez près Calais jusqu’au-dessus d’Anvers, la mer du Nord et l’Escaut sont bordés d’une zone de tourbières et d’alluvions dont le niveau est supérieur à celui de la basse mer, mais inférieur à celui de la haute. Cette formation récente est appuyée sur des terrains tertiaires sortis du sein des eaux à une époque géologique éloignée : des dunes et des levées faites de main d’homme les protégent aujourd’hui contre les marées, et leurs eaux intérieures s’écoulent à la mer par des écluses qui s’ouvrent lorsqu’elle baisse, et se ferment lorsqu’elle remonte. Ce pays est celui dont Pline disait, à l’époque où, délaissé par l’homme, il était alternativement découvert et submergé, qu’on ne savait s’il appartenait à la mer ou à la terre, et sa transformation en campagnes fécondes est, après la création du sol de la Hollande, la plus grande entreprise qu’ait jamais accomplie l’esprit d’association.

La partie occidentale de ce territoire appartient aux départemens du Pas-de-Calais et du Nord, et la ligne qui la sépare du sol plus ancien et plus élevé, qui servit lui-même autrefois de rivage à l’océan, commence à Sangate et passe par Ardres, Audruick, Watten, Bergues et Hondscote. Tout ce qui est au nord de cette ligne constitue la région des watteringues ou des écoulemens d’eau ; le domaine de la mer s’est même étendu au sud jusqu’au-delà de Saint-Omer. Les eaux pénétraient dans le goulet de Watten et formaient en arrière une rade intérieure dont l’ancien niveau se reconnaît encore à l’horizontalité des dépôts qui en ont pris la place : c’est par là qu’en 1633, les Espagnols attaqués dans Saint-Omer n’eurent, pour en inonder les alentours, qu’à barrer, à dix kilomètres plus bas, le vallon de Watten Les eaux intérieures et les marées travaillaient en sens inverse à combler le bassin de Saint-Omer à une époque où la mer ne jetait encore à la côte que des sables. Ces sables, pareils à ceux qui forment au large les bancs des atterrages de Calais, de Dunkerque et d’Ostende, constituent le sous-sol de tout le pays des watteringues ; ils se montrent à nu aux portes de Calais ; dans le voisinage de Gravelines, la bêche du laboureur les atteint souvent au travers de la terre végétale, et le génie les met à découvert